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ANALYSE

164

Encore le quatrain de Ravenne

par Adrien Delcour


    Dans l’article 160 de la présente rubrique Analyse, intitulé « Le quatrain du siège de Ravenne », j’ai rappelé que le quatrain VIII, 72 des Prophéties :

Champ pérusin ô l’énorme défaite
Et le conflit tout auprès de Ravenne
Passage sacre lorsqu’on fera la fête
Vainqueur vaincu cheval manger l’avenne..

est, depuis l’anonyme du Mercure de France, mis en rapport avec le siège de Ravenne de 1512.

   Avec beaucoup de vraisemblance, l’anonyme voyait dans les mots “vainqueur vaincu” une allusion à Gaston de Foix, duc de Nemours, qui commandait les troupes françaises victorieuses mais périt au combat. Comme je le notais dans mon précédent article, cette interprétation est renforcée par une lettre que Bayard écrivit trois jours après la bataille et où il dit qu’à cause de la mort de Nemours, “il semble que nous ayons perdu la bataille”.

   A ma connaissance, cette lettre n’a pas été publiée du vivant de Nostradamus1 et il serait donc intéressant de connaître une apparition de ce thème du “vainqueur vaincu” antérieure aux Prophéties.

   Des recherches Google sur les nombreuses citations latines faites dans les Présages font souvent aboutir aux poésies d’Ulrich de Hutten2 (1488-1523). En particulier, le présage 137 pour l’an 15583 :

Profligata acies Hispana, nihil erit atrocius armis. Victori victoque dolor [elle a été battue, l’armée espagnole, rien ne sera plus cruel que les armes. Douleur au vainqueur et au vaincu]”.4

provient visiblement du poème de Hutten intitulé In pugnam ravennensem (Sur la bataille de Ravenne) :

“Victori victoque dolor, rabida arma quiescunt; Qui vicit, non sic vincere saepe volet. Concurri sumptis quis vidit atrocius armis Telaque misceri sanguinolenta magis ? Unius haud populi pugna profudit in illa Roma suas vires Illyrium que suas; Tum proceres periere ItaliGermana iuventus Amisit primae robora militiae, Profligala [coquille probable pour Profligata] acies Hispana, ignobile vulgus, Rettulit amissis Gallia nobilibus. Iulius una mali causa est, respublica Christi In sua crudeli viscera caede ruit.”5

   Les points de contact très nets avec le présage (Victori victoque dolor, Profligata acies Hispana) nous donnent la certitude que Nostradamus connaissait ce poème sur la bataille de Ravenne. Il est donc probable que le “vainqueur vaincu” du quatrain VIII, 72 ait été suggéré par le “Victori victoque dolor” et le “Qui vicit, non sic vincere saepe volet” (“le vainqueur ne souhaite pas vaincre souvent ainsi”) de Hutten.

Adrien Delcour
24 avril 2007

Notes

1 D’après l’édition de la vie de Bayard par le Loyal Serviteur dans la “Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l’histoire de France”, t. 15, note 27, pp. 450-455, cette lettre, “consignée dans les registres de la Chambre des Comptes de Grenoble”, “nous a été conservé(e) par le président Expilly”. Cette édition de la vie de Bayard est consultable sur le site Gallica. Retour

2 P. Guinard a déjà signalé Ulrich de Hutten comme source des Présages et aussi des Prophéties (quatrain I, 84). Voir http://cura.free.fr/dico-a/702A-pro1557.html Retour

3 B. Chevignard, Présages de Nostradamus, 1999, p. 304. Retour

4 La traduction française est de B. Chevignard. Retour

5 Voir http://www.uni-mannheim.de/mateo/camena/hutten1/huttenopera.html Retour



 

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