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ANALYSE

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Enquête
sur les deux plus célèbres vignettes nostradamiques

par Jacques Halbronn

    Un des paradoxes de la recherche, c’est que ses résultats peuvent conduire à des conclusions opposées ; c’est ainsi que le fait de rapprocher deux documents peut être interprété aussi bien comme la preuve qu’ils appartiennent à un seul et même ensemble ou que l’indice que l’une des pièces est dérivée de l’autre, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Ce n’est qu’au prix de complexes recoupements que l’on parvient à trancher entre les deux lectures. L’approche iconologique nous semble favoriser un tel projet généalogique.

   Nous étudierons, ainsi, la formation et la fortune des deux plus célèbres vignettes du corpus nostradamique, celle qui représente un personnage assis à un bureau et celle qui se réduit à une main tenant une sphère armillaire et l’autre un compas.

   Sommaire :

1 - La vignette “compas”
2 - Les vignettes “bureau”


1

La vignette “compas”

    La vignette “compas” orne notamment le premier volet des éditions rigaldiennes des Prophéties, tant les éditions Benoist Rigaud comportant la date de 1568 que les éditions Héritiers Benoist Rigaud que Pierre Rigaud de la fin du XVIe siècle. On en connaît des versions comportant le même motif mais réduit, dont la plus marquante est celle de l’Almanach pour l’An MDLXVI composé par Maistre Michel de Nostradame (sic), Lyon, Anthoine Volant & Pierre Brotot1, tantôt avec la sphère à gauche (chez le libraire parisien Antoine Houic, comme dans cette Pronostication générale du circle solaire, datée de 1573 ou chez Pierre Ménier, en 1597, un des libraires parisiens qui publièrent sous la Ligue les Prophéties de Nostradamus, avec une Grande Prognostication génerale du Cercle Solaire et encore dans une édition des Vrayes Centuries de Me Michel Nostradamus, en 1649, à Rouen pour n’évoquer que quelques publications datées, tantôt à droite comme c’est le cas notamment pour cet Almanach pour 1566 déjà cité ou la Copie d’une Lettre envoyée des Indes en Allemagne qui concerne l’année 1587. Il faudrait également signalé une variante de la “grande” vignette au titre de la Prognostication & amples Prédictions (...) Composée & calculée par Messire Panthalamus, qui est une parodie rabelaisienne - Panthalamus n’est pas sans évoquer Nostradamus peut-être amalgamé à Panurge - parue chez Guillaume de Nyverd, à Paris, dans le style de la Pantagruéline Pronostication. Ce même Guillaume de Nyverd qui publie une Prophétie Merveilleuse commençant ceste présente année & dure jusques en l’an de grand’Mortalité que l’on dira MDLVIII An de bissexte, due à Mi. De Nostradamus, et dont on connaît une autre édition datée de 1567, Lyon, Michel Jove, au titre plus ample : Prophetie ou Revolution Merveilleuse des quatre saisons de l’an. Et apparition des grands & tres horribles signes, Comettes, Estoilles & tremblement de terre qui pourront advenir depuis l’an présent iusques en l’an de grande mortalité 1568. An de bissexte, mais sans la dite vignette. R. Benazra2 signale encore les Prophéties ou Révolution Merveilleuse des quatre saisons, mais cette fois de M. De Nostradamus, Lyon, Jean Gérard, 1565, dont on n’a conservé aucun exemplaire. Benazra l’attribue à Mi. de Nostradamus. Mais c’est bien l’édition parisienne avec la vignette qui retiendra notre attention. Relevons que R. Benazra signale3 cette édition conservée à la Bibliothèque Sainte Geneviève à Paris, mais sans indiquer la nature de la vignette !

Vignettes “compas”

Prognostication Panthalamus    Prophétie de Mi. de Nostradamus

    Nous allons la comparer avec les vignettes des éditions rigaldiennes des Prophéties ainsi qu’avec celle de l’Almanach pour 1566 dont nous avons déjà signalé qu’elle était sinon tronquée du moins quelque peu réduite. Néanmoins, l’on doit raisonnablement supposer que la dite vignette de l’almanach serait à l’origine de la série considérée.

   En tout cas, nous disposons d’une série de publications s'échelonnant, si l’on en croit les dates, entre 1566 et 1568 : l’Almanach, la Prophétie Merveilleuse et les Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il y en a trois cens qui n’ont encores iamais esté imprimées. On est donc dans la période qui suit immédiatement voire qui précède la mort de Michel de Nostredame, survenue en 1566.

Vignettes “compas”

Vignettes “compas”

    D’un point de vue strictement iconologique, la vignette qui nous semble la plus complète serait, selon nous, celle de la Prophétie Merveilleuse, parue à Paris. On y trouve en effet, en bas à gauche, des initiales, GN, qui ne figurent sur aucune autre vignette de la série. Dans l’édition rigaldienne, l’emplacement correspondant est vide et semble en fait comporter un blanc assez incongru, que l’on retrouve à l’identique dans l’édition Pierre Rigaud, supposée être de 30 ans postérieure ainsi que dans l’édition des héritiers Pierre Rigaud, légèrement antérieure bien que non datée (vers 1597, d’après les dates d’activité). De telles observations nous conduisent à penser que l’édition datée de 1568 parut en réalité bien plus tard, au plus tôt dans les années 1590.

Edition Héritiers Benoît Rigaux    Edition Pierre Rigaux

    On s’intéressera à la bande zodiacale qui parcourt la sphère. On y reconnaît de haut en bas les glyphes conventionnels de la balance, du scorpion et du sagittaire, trois signes qui se suivent. Mais cette suite n’est véritablement lisible que sur la vignette de l’Almanach pour 1566 et sur celle de la Prophétie Merveilleuse. En ce qui concerne les éditions rigaldiennes, le glyphe du sagittaire, à savoir une flèche, est méconnaissable. On notera que dans les grandes vignettes, on a les deux luminaires et entre eux cinq étoiles qui doivent correspondre aux cinq planètes (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) alors que sur la vignette réduite, les cinq étoiles sont du côté de la Lune, le soleil se retrouvant isolé.

   Nous serions donc tentés de conclure que la Prophétie Merveilleuse de Mi. De Nostradamus aurait inspiré la présentation des éditions rigaldiennes des Prophéties dans la mesure la dite Prophétie Merveilleuse s’inscrit de toute façon chronologiquement entre l’almanach et les Prophéties datées de 1568. Or, une telle filiation a de quoi surprendre puisqu’elle passe par un disciple de Michel de Nostredame. Or, Benoît Rigaud avait publié, à la même époque - et cela bien plus certainement que les Centuries - la Prognostication ou révolution avec les Présages pour l’an mil cinq cens soixante cinq du même Mi. de Nostradamus. C’est dire que lorsqu’il s’est agi du fabriquer de fausses éditions, dans les années 1580, si l’on s’appuie sur la Bibliothèque de Du Verdier (Lyon, B. Honorat, 1584) Benoist Rigaud eut certainement accès aux publications de Mi. De Nostradamus.

   Mais l’on peut tout de même s’interroger sur la vignette de l’Almanach pour 1566, en cette période de fin du “règne” de Michel de Nostredame et se demander si le dit Mi. De Nostradamus n’a pas contribué à la publication du dit Almanach, si l’on admet que la dite vignette serait une marque de fabrique de ce Mi. De Nostradamus. Rappelons que ce Mi. De Nostradamus sévit depuis 15644 et que la Prophétie Merveilleuse parut dès 1565 chez le libraire Jean Gérard (cf. supra).

   Que dire de cet Almanach ? R. Benazra5 note qu’il est en vers - mais il s’agit de vers latins dont le texte est truffé mais la prose française y domine - et dédié le 16 octobre 1565 à Monseigneur Messire Honorat de Savoye Comte de Tande, avec un faciebat du 21 avril 1565. Benazra ajoute qu’il comporte une chronologie biblique dans le style de celle de l’Epître centurique à Henri II, mais encore différente. On nous précise dans l’almanach que seuls Brotot et Volant sont les légitimes éditeurs des almanachs de Nostradamus.

   On relèvera un passage assez significatif du statut de l’astrologie dans les années 1560 :

   “D’ici non guère de temps, sera défendue la divination au jugement des astres & en cest endroit je trouve tant de contradictions advenir pour trop de personnes qui s’en voudront mesler & en abuseront que ce m’a totalement dégouté d’y mettre aucun de mes enfants bien qu’ils y soient naturellement adonnés & mesmes un entre autres”.

   Allusion probablement à César qui n’a alors qu’une douzaine d’années. Soulignons que la vignette de l’almanach pour 1566 se distingue de celle des Prognostications lesquelles comportent un personnage devant sa table de travail. A priori, il n’y a pas de raison de remettre en question la paternité de Michel de Nostredame sur cet almanach qui couvre l’année de sa mort. Il est possible, cependant, que notre auteur n’ait pas été seul à le rédiger et qu’il ait justement été secondé par celui qui signerait Mi. De Nostradamus. Rappelons qu’à cette époque, le secrétaire de Nostradamus était Jean de Chevigny.

   Cela dit, nous pensons que la page de titre, outre la reprise de la vignette, de la Prophétie merveilleuse a inspiré les éditions rigaldiennes et déjà en la date de 1568 qui y figure : “& dure iusques en l’An de grand mortalité que l’on dira MDLVIII An de bissexte”. On rappellera au demeurant que les éditions datées de 1568 ne signalent point la mort de Michel de Nostredame et l’on peut sérieusement se demander si avec le recul du temps on se rappelait encore que celui-ci était décédée en 1566, tout comme on peut se demander si, des années plus tard, l’on savait distinguer entre Michel de Nostradamus et Mi. De Nostradamus, ce personnage ayant assez vite disparu de la circulation.

   Ce qui nous paraît certain, c’est que les éditions rigaldiennes ne se servirent pas de la vignette de l’almanach pour 1566. Certes, si l’on avait ignoré l’existence de la vignette de la Prophétie Merveilleuse, on eut pu penser que le changement dans la présentation de la dite vignette fut du fait de l’atelier de Benoist Rigaud mais l’examen de cette vignette vient infirmer une pareille hypothèse. C’est bien, donc, à partir de la vignette de la Prophétie de Mi. De Nostradamus que la vignette récurrente du premier volet des éditions rigaldiennes fut élaborée sans d’ailleurs d’autre changement, due d’ailleurs à la copie, que la disparition de la flèche du Sagittaire et de la signature dans le coin droit, dont les initiales GN pourraient constituer quelque piste. Mais on peut aussi imaginer que les toutes premières éditions des Centuries comportaient la vignette en question et ce pour l’excellente raison qu’elles parurent peut-être initialement comme étant éditées par Mi. De Nostradamus ou Mi. De Nostradamus le Jeune (sic) lequel prétendait en 1568 avoir pris connaissance de documents se trouvant dans la bibliothèque de feu Michel de nostre Dame.6

   On précisera que l’origine de cette vignette est déjà attestée, dans les années 1530, sur la page de titre du Période de Pierre Turrel7 dont d’ailleurs la frise zodiacale, quelque peu remaniée et affinée cependant, est reprise pour orner les vignettes des Pronostications de Nostradamus (1557, 1558, 1562). Cette vignette ne comporte pas de compas mais bel et bien un globe tenu en main entourée d’ une manche ourlée, les deux luminaires et cinq étoiles.

Vignettes avec frise

    On notera que cette vignette “compas” ne figure que dans le premier volet des Centuries (I-VII) et que celle du second volet comporte toujours d’autres motifs, ce qui vient confirmer le fait que ce dernier n’est pas paru à la même époque que le premier mais a été surajouté dans un second temps, ce qui occasionne des erreurs chez les bibliographes qui tendent à dater les deux volets sur la base de l’année indiquée sur le premier.

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2

Les vignettes “bureau”

    Pour en venir à une autre affaire de filiation de vignettes, on notera que les vignettes des éditions 1555 et 1557 des Prophéties ne sont pas issues des Prognostications - le dessin en est par trop différent - mais directement de la vignette de la Paraphrase de Galien, ce que vient confirmer le fait que les éditions 1557 sont indiquées comme parues chez le même libraire lyonnais, Antoine du Rosne.

Vignettes “bureau”

    On notera d’une part que la vignette des Pronostications annuelles et celle de la Paraphrase de Galien reprises pour les éditions antidatées de 1555 et 1557 différent sensiblement tant et si bien que l’on ne saurait considérer la vignette Galien comme à l’origine de la vignette Pronostication ; tout au plus ont-elles une même origine, à rechercher dans le corpus iconographique du Kalendrier des Bergers. On trouve en effet une gravure représentant le “Berger de la grande Montaigne” (sic) mais qui est en réalité celle d’un savant à son écritoire. La comparaison avec la vignette des Pronostications est saisissante. Quant à l’origine de la vignette Galien, elle doit être du même ordre mais aura évolué autrement. De même si les deux vignettes 1557 ont la même origine en la Paraphrase Galien, elles n’ont apparemment pas été conçues de concert. La vignette Utrecht est une copie conforme de la vignette Galien alors que la vignette Budapest a été redessinée bien maladroitement, ce qui rend bien improbable que les deux éditions 1557 se soient suivi coup sur coup; la vignette Budapest semble être apparue en premier si l’on s’en tient au contenu des quatrains tandis que la vignette Utrecht concernerait une édition plus tardive, avec ses 42 quatrains à la VII et ce en dépit du fait qu’elle comporte la mention de septembre tandis que l’exemplaire Budapest comporte la mention de novembre, bévue bien improbable si elles étaient toutes deux parues en 1557 mais qui importait beaucoup moins si le décalage était plus considérable, des dizaines d’années plus tard. Si la vignette Budapest n’a guère eu de postérité, il en est bien autrement de la vignette Utrecht que l’on retrouve en maintes occasions comme dans l’Almanach 1563 de Barbe Regnault - dont ce serait la première occurrence pseudo-nostradamique, que nous daterons du début des années 15708 - et les éditions 1555 Macé Bonhomme. On notera l’utilisation assez étrange du “chez” - au lieu du “pour” - aux fins d’indiquer le libraire et qui se trouve déjà dans la Paraphrase, puis dans les éditions des Prophéties 1557 et 1555.

Vignettes “bureau”

    Pourquoi, donc, ce changement de vignette ? Il ne semble pas que les deux vignettes aient cohabité, aient eu cours ensemble, mais bien que l’une ait succédé à l’autre. Il y eut la période de la vignette “Bergers”, celle des Pronostications, à partir de 1555 jusqu’en 1562 et peut-être au delà - on n’a pas de pronostications conservées après 1562 et lui fut suite la période de la vignette “Galien”, dont la première occurrence conservée nous paraît avoir été celle figurant sur l’almanach antidaté pour 1563, paru chez Barbe Regnault, chez qui la Prognostication pour 1562 était sortie mais on notera la forme “Veuve Barbe Regnault” sur la dite Pronostication et non “Barbe Regnault”. C’est aussi chez Barbe Regnault que serait parue une édition des Prophéties augmentée de 39 articles pour 15619 et qu’il faut comme l’Almanach pour 1563 dater des années 1570 au plus tôt.

Faux almanach pour 1563

L’almanach anglais pour 1563

   Il est souvent précieux de considérer les traductions des publications annuelles portant le nom de Nostradamus. C’est ainsi que l’on trouve une variante de la vignette Galien - Utrecht en frontispice de l’Almanack for the yere MDLXIII composed by maister Michel Nostradamus.10 Or, on ne retrouve cette variante que sur les éditions des Prophéties, parues chez Pierre Ménier, Paris, 1589 (autre édition sans date) : le personnage brandit une sorte de stylet pour désigner un point de la sphère qui est sur sa table, ce qu’il ne fait pas dans les autres occurrences de la dite vignette. Il semble bien s’agir d’un troisième type de vignette, proche de la vignette Galien bien plus que de celle des Pronostications. Le bureau a pris une toute autre forme et le personnage adopté une autre posture.

Traduction du faux Almanach pour 1563

    C’est au demeurant le seul cas d’une vignette nostradamique dans les éditions d’Outre Manche, au XVIe siècle mais à y regarder de plus près, l’on s’aperçoit qu’il ne s’agit de rien moins que de la traduction anglaise de l’almanach pour 1563, prétendument paru chez Barbe Regnault et qui est constitué de quatrains issus de divers almanachs précédemment parus.11 On notera la fidélité de la traduction anglaise du titre, outre celle du quatrain annuel : Almanack for the yere MDLIII composed by M. Michel Nostradamus Doctour in Phisicke of Salon of Craux in Provence. Nous avons déjà signalé que ce faux almanach appartenait à une période ultérieure que nous situons désormais au début des années 1570, ce qui vaut ipso facto pour la datation de sa version anglaise.

   Comment se fait-il que l’almanach anglais pour 1563 paru vers 1570, ait une vignette qui n’est attestée en France qu’en 1589, dans les Prophéties ? Nous pensons qu’il a du existé, à la même époque, une autre édition perdue du faux almanach pour 1563 avec la variante Ménier. On aurait ainsi deux versions paralléles comportant deux vignettes distinctes et ce dès les années 1570 et l’on retrouverait ce même couple de vignettes dans les années 1588-1589 avec les éditions de la Veuve Nicolas Roffet et de Pierre Ménier. Ce qui pourrait conduire à penser que les vraies fausses premières éditions que nous situons dans les années 1570 - éditions non conservées - ont pu comporter de telles vignettes qui n’auraient fait qu’être reprises à la fin des années 1580. C’est la version vignette Roffet qui l’aura emporté ou qui, en tout cas, nous est parvenue (Ed. Antoine du Rosne 1557 et Macé Bonhomme 1555).

Le cas de la Prognostication pour 1562

   Si les vignettes des Prognostications pour 1555, 1557 et 1558 appartiennent au type “Berger”, ce n’est pas le cas de la vignette de la Pronostication nouvelle pour 1562, parue chez la Veuve Barbe Regnault et qui est identique à celle de l’Almanach pour 1562 parue chez... Barbe Regnault. Faut-il considérer la Pronostication pour 1562 comme un faux au même titre que l’Almanach pour 1563 ? On sait que l’épître à Vauzelles a fait couler pas mal d’encre.12 Il s’agit du passage “Lors qu’un oeil en France régnera, Et quand le grain de Bloys son ami tuera”.13 L’exemplaire de la Bayerische Staatsbiblothek de Munich - dont la vignette sert de frontispice au RCN - ne comporte lui que “Lors“, la suite du passage étant tronquée. On y a vu, bien entendu, la preuve qu’en 1562, on connaissait le quatrain correspondant. Or, il semble bien que cette Prognostication soit un faux et la différence de vignette nous semble un argument décisif en ce sens. Il conviendrait de la dater des années 1570. On observera que les faussaires n’ont pas fait les choses à moitié, fabriquant non seulement des éditions des Centuries antidatées mais n’hésitant pas également et peut-être d’abord à produire des éditions antidatées de certaines publications annuelles : almanach, prognostication, alors que naïvement on aurait pu penser que cela ne faisait pas sens. Ce serait oublier la tendance à exhumer des textes plus ou moins anciens et le caractère fortement posthume, nécrologique sinon nécromantique du culte pour Nostradamus.

Edition veuve Nicolas Roffet    Edition Pierre Ménier

    La présente étude aura contribué, nous l’espérons, à mieux suivre le travail des faussaires et à prendre conscience du matériel - notamment sur le plan iconographique - dont ils disposaient pour mener à bien leur besogne. Ce serait une erreur, en effet, que les contrefaçons ne s’entouraient pas d’un certain nombre de précautions et n’étaient pas correctement documentées. Et c’est précisément à la qualité de leur travail que rendent, bien involontairement, hommage ceux qui ne sont pas en mesure d’en percevoir la véritable nature. On ajoutera que nos résultats de recherche ne sont pas figés et que nous les faisons évoluer au fur et à mesure de nos découvertes et de nos réflexions ainsi que de celles d’autres chercheurs. Certaines de nos positions ont évolué comme il se doit : ce que nous avons écrit dans telle étude a pu être remis en question dans une autre, c’est pourquoi nos travaux sur Espace Nostradamus sont datés et d’ailleurs présentés par ordre chronologique. Actuellement, pour ceux à qui cela aurait échappé, nous ne considérons plus comme une contrefaçon la Pronostication pour 1555 et nous situons la publication du pseudo Almanach pour 1563 du début des années 1570 et non des années 1580 et cela sur la base de nouveaux recoupements. Par ailleurs nous ne pensons plus que la vignette des Prognostications dérive de la Paraphrase de Galien car elle en diffère assez fortement. En revanche, c’est bien de la vignette “Galien” que sont issues les vignettes du dit almanach pour 1563 et des Prophéties centuriques 1555 et 1557 ainsi que Veuve Nicolas Roffet 1588 voire celles de l’almanach anglais pour 1563 et de l’édition Pierre Ménier 1589. La conclusion déterminante nous apparaît être la suivante :

      1° la vignette “Prognostication” ne sera jamais plus utilisée - jusqu’à preuve du contraire - après 1558 - on ne connaît pas de pronostication authentique après cette date - il faudrait cependant noter que les Significations de l’Eclipse de 1559, Paris, Guillaume le Noir, comportent la même vignette que les Prognostications pour 1555, 1557 et 1558. Ce dernier texte, on le sait, nous est suspect.14 Or, on observera que les Significations ne se présentent pas comme une Prognostication et n’ont donc pas à recourir à la vignette qui leur est réservée. On se demandera si ce faux - qui est marqué par le contexte centurique15 - n’a pas repris la vignette d’une Prognostication disparue pour cette même année 1559.

      2° la vignette “Galien” ne figura jamais dans une édition nostradamique avant cette date. Exit, donc, les éditions datées de 1555 et 1557 qui la comportent.

   Pourquoi abandonna-t-on ainsi la vignette “Prognostication” au profit de la vignette “Galien” ? On observera que la première comportait le nom M de Nostredame, en bas à gauche, ce qui ne sera pas le cas de la vignette “Galien”, nostradamisée.

Appendice

A - Le vignette “bureau” et Coloni

   Nous avons déjà attiré l’attention sur la production Coloni, laquelle a complétement échappé aux investigations des bibliographies nostradamiques, en dépit du recours constant à des vignettes nostradamiques.

   C’est ainsi que l’Almanach et amples prédictions pour l’an 1582 (...) Composé par Marc Coloni, Paris, Claude de Montroeil, comporte la même vignette que celle de l’almanach anglais pour 1563 (cf. supra) avec le personnage au stylet. C’est la première occurence conservée d’une publication française, sept ans avant celle de l’édition Pierre Ménier des Prophéties.

Almanach pour 1582

    Mais plus remarquable est, quatre ans plus tôt, le cas de l’Almanach pour l’an de salut 1578 de Jehan Maria Colony, prédecesseur de Marc Coloni, Lyon, Nicolas de la Roue, et dont la vignette est identique, si ce n’est qu’elle est inversée, à celle qui figure sur l’exemplaire de l’édition antoine du Rosne 1557 (bibliothèque de Budapest, fac simile édité en 2004 par Gérard Morisse et par R. Benazra, Lyon, M. Chomarat, 1993). Nous avions noté que cette vignette Budapest16 était atypique par comparaison avec celle de l’exemplaire Utrecht.17

Almanach pour 1578    Edition 1557

B - La vignette “compas”

   On notera l’existence, signalée par Michel Chomarat, d’une traduction flamande de l’almanach pour 1566 avec la même vignette que dans l’original français : Almanach ende Pronosticatie van den Iare MDLXVI ghemaect deur M. Michiel Nostradamus (...) Campen, Berend Petersen.18

Pronostication 1573    Edition 1649

Almanach pour 1566    Uranologie 1583

    La même vignette se retrouve, comme le note Patrice Guinard (Espace Nostradamus) en 1583, en frontispice de l’Uranologie ou le Ciel de Ian Edouard du Monin, Paris, Guilhaume Julien.

Jacques Halbronn
Paris, le 15 janvier 2005

Notes

1 Cf. Osler Library, Montréal, reprint in Cahiers des Amis de Nostradamus, 1988. Retour

2 Cf. RCN, pp. 71 et seq. Retour

3 Cf. RCN, p. 79. Retour

4 Cf. RCN, pp. 68 et seq. Retour

5 Cf. RCN, p. 71. Retour

6 Cf. RCN, pp. 90-91. Retour

7 Cf. Documents Inexploités sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002, p.116. Retour

8 Cf. notre étude “La fortune du prophétisme d’Antoine Crespin”, Espace Nostradamus. Retour

9 Cf. RCN, pp. 51-52. Retour

10 Cf. Bibl. Ann Arbor, Université du Michigan. Retour

11 Cf. RCN, pp. 58 et seq et notre étude sur “La fortune du prophétisme d’Antoine Crespin”, ibidem. Retour

12 Cf. articles sur le Site du CURA.free.fr et notre réponse sur Espace Nostradamus, au cours de l’Eté 2003. Retour

13 Cf. Chomarat, Bibliographie Nostradamus, Baden-Baden, Koerner, 1989, p. 36. Retour

14 Cf. le débat avec Theo Van Berkel, sur Espace Nostradamus. Retour

15 Cf. fac simile in B. Chevignard, Présages de Nostradamus, Paris, Seuil, 1999, p. 455, lequel ouvrage reproduit, en outre, in extenso les Prognostications pour 1557 et 1558. Retour

16 Cf. RCN, A 4, p. 636. Retour

17 Cf RCN, A 1 et A 2, p. 636. Retour

18 Cf. Bibl. De l’Université Libre d’Amsterdam : XG 05561. Retour

 

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