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ANALYSE

13

Réflexions sur quelques pseudonymes
dans l'oeuvre de Nostredame

par le Dr. Lucien de Luca ©

Préambule

   La plupart des lecteurs de Nostredame considèrent comme définitivement prouvé que les Prophéties relateraient des faits matériels précis, comme par exemple la mort du roi Henri II lors d’un combat amical :
Stats

I-35
Le lyon jeune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duelle :
Dans cage d’or les yeux luy crevera,
Deux classes une, puis mourir, mort cruelle.

   Cependant, rien ne prouve que ce quatrain décrive la mort du roi, comme tout le monde le croit encore. Car il n’est pas écrit qu’un vieux lion (qui serait-il d’ailleurs ?) surmontera "le lyon jeune". Dans les Centuries, le mot vieux n’est jamais utilisé comme épithète de Lyon, alors qu’il qualifie un monarque en III-47, un cardinal en VIII-68, un ange en VIII-69, un teccon en IX-27 (i. e. un jeune saumon), un Pere Duc en X-15 ; et l’expression vieillart Taciturne (ou Bloys, i.e. bègue) dans la Paraphrase de Galien désigne celui qui depuis toujours ne parle jamais bien que certains l’entendent, mais de son seul oeil voit tout du haut des cieux, ainsi qu’on le lit dans l’Interprétation des Hiéroglyphes :

Comment ilz signifioient Dieu
Signifier voulant Dieu tout puissant
Ilz faisoient paingdre ung oeil hault eslevé
Pour ce qu’il est de veue transperceant
Voit et regarde quant il est sublevé
Dieu est sur toutz les haulz astres levé
Qui considère et toutes chouses voit
Rien de son oieil ne peult estre clavé
Car, près ou loing, il nous entend et oyd.

   Haut vieillard en V-100, il surmonterait le "lyon jeune", frappé du haut en II-92, mais son singulier duelle serait autant un combat comme celui de Jacob surmontant Yavhé (Genèse, 32, 25-33) ou celui de Moïse (Exode, 4-24), que l’image d’un Janus à tête double affligé pour son bien d’un trouble, d’un fâcheux mal comitial. Dans une cage d’or on pourrait presque voir une chrysalide, endormie dans un sarcophage (cf. vif ensevely en III-72) où la métamorphose d’une nymphe se prépare, et qui aura les yeux crevés par l’évidence, le ressort de I-27 ; les têtes duelles divisées (latin classis, division) une fois réunies (latin comitatus, accompagné) en une seule, alors la nymphe pourra mourir (sachant qu’en II-13 le séraphin voit le jour de la mort mis en nativité), c’est à dire naître à une nouvelle vie (comme la chrysalide devenue papillon ; cf. VIII-75), ce qui explique la mort cruelle (du latin crudus, encore rouge, saignant, cru, non cuit) : la mort d’une vie léthargique laissant la place à une vie faite de sang coulant, comme celle d’un phénix blessé (cf. anglais to bless, bénir, blessed, bienheureux), devenu feu vif en III-72.

   D’ailleurs, cette histoire bizarre et paradoxale de mort cruelle a aussi été exposée par Guillaume Postel : " Il faut que par deux modes il soit mort voluntairement, et par deux necessairement. Voluntairement, et non pas necessairement mourir, c’est le rapt ou l’ecstase, qui par force voluntaire d’eslever le coeur, ou pour mieulx la mente, l’esprit, l’anime et l’ame à contempler prier et glorifier Dieu, se faict en tele sorte et par tele douleur que le corps demeurant du tout comme mort, soufrant d’estre taillé, rompu, brisé et bruslé sans aulchune douleur, jusqu’à ce que l’ame, anime et esprit et mente retournant au corps, luy faict sentir les douleurs qu’alors elles se faisoient ne se sentoient. Nécessairement et non voluntairement mourir, c’est la reele mort (...) L’aultre et voluntaire et invisible mort, est pour rendre le bien estre de parfaicte restitution à touts les premierement damnes que nays, en les regenerant. C’est donc la volontaire et non pas necessaire mort, qui est pour monstrer à la vérité comment l’homme est double en substance, sçavoir est l’invisible et intérieur qui tout se peult tirer et extraire du sensible, le laissant comme mort, et puys retourner dedens, et luy rendre la vie, le sens et la raison, de quoy durant le rapt il est privé." (Thrésor des Prophéties de l’Univers, Chap. XXXI). Ce passage, s’il est bien lu attentivement, montre que l’auteur parle bien d’une "mort" figurée, passagère, ni matérielle ni définitive, ressemblant encore à celle d’une éclipse épileptique, troublant le cerveau d’un double vécu, comme celui d’Hercules revenu du royaume d’Hadès.

   Ainsi, Nostradamus n’a donc jamais prévu la mort d’Henri II, et ceux qui le croieraient encore continueront toujours à (se) tromper, comme (se) trompent aussi ceux qui reprochent à un auteur dyslexique (qu’il soit Nostredame, un imitateur ou un faussaire) d’avoir écrit ces prétendues "prédictions-là-qui-n’ont-jamais-été-faites" (celles auxquelles les gens croient ordinairement : d’obscurs complots politiques, des catastrophes en tout genre ou l’intervention d’extra-terrestres).




Connétable :

   " Nous avons identifié une pérégrination de Michel de Nostredame, inconnue à ce jour : la Hongrie (Pannonie)." Le mot seul ne prouve pas le voyage : donc ce n’est pas une pérégrination qui est identifiée avec le mot Hongrie (II-90, V-89, VII-9, X-62-63), mais seulement l’emploi d’un toponyme, voire d’un pseudonyme. De surcroît, la Pannonie de Nostredame (du grec Παιονια : Paeonie et Pannonie) recouvre un thème récurrent dans les Prophéties, à savoir la renaissance (procurée ici par une plante jadis utilisée dans le traitement de l’épilepsie : la pivoine, du latin paeonia, de Paeonius, le médecin des dieux ; cf. Homère, Odyssée, IV, 220-32 ; Iliade, XI, 511-15) ; cette renaissance étant entendue à l’image du phénix.

   " ...que la référence à l’itinéraire vers Budapest apparaît dans la dernière centurie, publiée en 1558, il est tentant de dater son expédition en Hongrie de cette époque." Pour ne citer que les villes les plus éloignées les unes des autres, Nostradamus mentionne encore Antioche (I-74), Corinthe (II-52, III-3), Memphis (X-79), Fez (VI-54-80), Thunis (I-73, VI-53-54, VIII-50, IX-42, X-56), Augsbourg, Francfort, Londres (I-26, II-16-51-68, IV-46-89, VI-22, VII-6, IX-49, X-66), Lubecq (IX-94), Nuremberg (III-53, VI-15), Wittemberg (6-15), Gand (II-16-50, IV-19), Liege (IV-19), Mitilene (III-47), Syracuse (III-97), Bisance (I-40, II-49, V-25-54-70-80-86, VI-21-53, VIII-83, IX-30), et pour les fleuves : Araxes (III-31), Ganges (IV-51), Hister (II-24, IV-68, V-29), Tag (II-60, III-12, VIII-61) : pensez-vous sérieusement qu’il se soit rendu dans tous ces lieux si éloignées les uns des autres ? D’ailleurs Ganges et Londres sont certainement plus proches l’une de l’autre que la plupart des commentateurs ont pensé : ce sont deux villes de l’Hérault (avec Saint-Martin et Notre-Dame-de-Londres), employées pour leur étymologie, quelle soit populaire ou non. Ganges (Agantico en latin, parfois Aganthicum) est situé au confluent de la rivière Vis et de l’Hérault, qui est un fleuve aurifère comme le fleuve indien du même nom (Gesner, 1544), sujet à de subites et violentes crues, et débouchant à Agde (du grec αγαθη θυχη : la bonne fortune – confondu avec le grec αχατης, latin achates, français agate – elle même un petit "trésor" : gaza en latin, du grec γαζα, du persan ganzhi ; cf. hébreu GAN, jardin, enclos, et grec θησαυρος : dépôt, trésor, prison souterraine). La double situation de la cité, aurifère et fluviale, pourrait peut-être expliquer la confusion entre les deux mots, sachant que l’agate est une pierre précieuse trouvée dans un fleuve sicilien du même nom, de même que la pierre de Gagas (grec γαγατης : jais), et que le Gange indien, aurifère lui aussi, ressemble à ce mot grec, avec un redoublement du gamma prononcé "an" (Γαγγης), comme dans gangrène (grec γαγγραινα). Ganges a été associé par d’autres auteurs au grec "acanthe" (ακανθος : arête, épine), une fleur hermaphrodite symbolisant l’androgynie et la renaissance (qui sont les deux qualités d’un phénix), comme l’illustre cette histoire légendaire de la corbeille de Callimaque rapportée par Vitruve (IV, 1, 9), faisant naître une plante sur la tombe d’un mort. Quoi qu’il en soit, utilisé dans le contexte nostradamien, Ganges convient à la bonne fortune d’une pépite, comme au renouveau procuré par une inondation, voire par l’acanthe elle-même. Londres (de l’occitan *lona, lundris , lagune, mare ; cf. Loundris, in Onomasticon, Gesner, 1544), est aussi le pseudonyme de "marais", une zone bien inondée, comme Maiotes (du grec Μαιωτις, de μαιοω : accoucher, enfanter, allaiter, nourrir) désignant le Palus Méotide, un marais propice à la naissance d’une race, depuis l’Ancien Testament (" Toutefois un flot montait de terre et arrosait toute la surface du sol. Alors Yavhé modela l’homme avec la glaise du sol ", Genèse, 2-7) jusqu’à Hésiode (" Ainsi parla Zeus... Il ordonna à l’illustre Héphaistos d’humidifer de la terre avec de l’eau, le plus vite possible, d’y mettre une voix et une vigueur humaine,.." ; Théogonie, 570-591) ou Ovide (" Cette terre le fils de Japhet la mélangea aux eaux pluviales et la façonna à l’image des dieux qui règlent toutes choses " ; Métamorphoses, I, 78-88).

   Ce qui vaut pour la Pannonie vaut également pour la Mesopotamie nostradamienne qui n’est évidemment pas située entre le Tigre et l’Euphrate. J’écrivais dans Logodaedalia (p. 205) "La Mefopotamie nostradamienne serait une sorte de promontoire entre deux mers en I-77, voire une Anglaquitaine en IX-6". Car il faut encore se rappeler la Génèse (I, 6-8) : « Dieu dit : Qu’il y ait un firmament au milieu des eaux (...) et Dieu appella le firmament ‘ciel’. » Pour élevé qu’il soit, ce firmament, ce promontoire est aussi céleste que spirituel, avec néanmoins une correspondance matérielle, terreste et humaine, dans l’esprit du bibliophile de Salon : " ce que parauant eftoit & eft grande cité, comprenãt le Pempotam la mefopotamie de l’Europe à quarante cinq,& autres de quarante vng, quarantedeux, & trente fept,… " (Lettre à Henry Second, p. 18). Ces lignes désignent assez parfaitement la situation allégorique de la péninsule romaine – berceau de l’Occident chrétien et de la Renaissance – située entre deux mers : l’Adriatique (du grec hadros, fort) et la mer de Ligure (du grec liguros, clair, mélodieux) qui donna son nom au golfe du Lion. (Le Nord de l’Italie est à 45° de latitude Nord par Venise, Milan et Turin, tandis que le Sud de la botte ne dépasse pas 38°, la Sicile au milieu de 37°, et entre 41 et 42° Rome se trouve à 41°53 minutes). Pempotam est une néoformation (par le grec pempas, pemptos, cinq, cinquième, et potam, eau) qui pourrait être comprise ici comme la Cinquième Eau, la quintessence, ou comme une puissance pompeuse (par le latin pompa, cortège, accompagnement quasi comitatus, et potens, pouvoir) changeant le pompotans [pempotans] en VIII-97, d’un impotens Prince en IV-4. Et en X-100 ce pempotam se trouverait au sommet d’une Angleterre, une terre élevée à plus haut sens, quasi pneumatique, entourée de Lufitains…pas contens (i. e. ni contenus ni contestés ; Godefroy, 1885).

   Enfin, rien ne prouve que les quelques villes françaises ou italiennes réellement visitées par Nostradamus aient nécessairement contribué aux Prophéties. Mais pour le voyage en Italie, dont personne n’a encore contesté l’existence, il aurait été intéressant par exemple de rechercher, et de savoir, s’il y aurait rencontré Guillaume Postel (lui-même, ou d’autres cabalistes), car c’est moins la fréquentation de la ville en elle-même que les expériences vécues et les idées rapportées qui comptent.

   "La conséquence est que toute interprétation isolée d’un des quatrains est une faute méthodologique grave. La généralisation de cette conclusion est que l’exégèse suppose un regroupement des quatrains par thème." C‘est bien ce que j’ai déjà longuement démontré dans Logodaedalia, mais la généralisation de cette conclusion - sur l’exemple des énigmes logiques de Lewis Carroll - m’a conduit à ne plus retenir que quelques thèmes, deux ou trois au maximum, voire un seul : à savoir la renaissance de la religion après sa lente agonie (cette dernière ayant débuté à la Renaissance précisément, pour finir pendant la période de la Révolution française) avec élection ultérieure d’un nouveau messie, et tout le reste découlerait de cette unique prophétie, comparable à celle que faisait Guillaume Postel lui-même dans plusieurs de ses ouvrages.



Jacques Halbronn :

   " En ce qui concerne l’annonce de la mort d’Henri II, il faut bien avouer, comme nous y invite « Connetable », que la référence explicite à Gabriel d’Orges (Montgomery), au quatrain (III.55), est suspecte" :

III-55
En l’an qu’un oeil en France regnera,
La court fera à un bien fascheux trouble
Le grand de Bloys fon ami tuera:
Le regne mis en mal & doute double.

   En rappelant ce qui a été dit précédemment, que pour être grand – et borgne – le taciturne ne pourrait être Dieu lui-même, à l’image de Yavhé tentant de faire mourir son ami Moïse, troublé mais franchissant un passage entre deux eaux. Le recours aux Ecritures permet ainsi au bibliophile de se passer de la petite histoire, pour ne se consacrer qu’à la grande.

   " Signalons enfin qu’il serait éminemment souhaitable, de la part de ceux qui veulent répliquer efficacement, de prendre connaissance du contenu de notre thèse d’Etat (Le texte prophétique en France, formation et fortune, Presses Universitaires du Septentrion et sur microfiches dans toutes les bibliothèques universitaires) où l’on trouvera des arguments qui ne figurent pas dans les Documents Inexploités, notamment en ce qui concerne le recours à des mots en majuscules dans les éditions Macé Bonhomme de 1555."

   Peut-être..., mais chaque auteur – qu’il soit simple soldat ou capitaine d’université – a apporté une contribution, même modeste, voire plus ou moins erronée (sans épargner les plus savants). C’est ainsi que tous les éxégètes, même les plus enfadassés, ont contribué depuis l’origine à maintenir un intérêt soutenu pour l’auteur des Prophéties. Mais plus le temps passe, plus on approche, et maintenant à grands pas, d’une solution logique de l’énigme, et moins les interprétations fantaisistes et non démontrées pourront se maintenir sans friser le ridicule.

    " Sait-on ainsi de quand date la première mention en français et en anglais d’un quatrain des Centuries et notamment du verset consacré au Sénat de Londres ? Nous avons trouvé ce document. Avis aux chercheurs !"

   C’est bien d’avoir trouvé un document, mais dans les Prophéties le "Senat de Londres" n’est pas sur la Tamise, pas plus que les "Ifles Britanniques" ne sont outre-Manche, et Ganges sur l’Ocean Indien. Pour le savoir, on devra appliquer le conseil précédent : lire, retenir et méditer dans une étude approfondie, les bons auteurs in extenso, qu’ils soient en bibliothèque, ou même sur le Web. Je viens moi-même de trouver récemment un document permettant de remonter à l’origine d’un quatrain latin, commençant par "Volventur saxa..." dans la Paraphrase de Galien, reproduit dans un ouvrage cartographique d’Abraham Ortelius publié en 1570. Chacun pourra maintenant le consulter, gratuitement et sans se déplacer, à ces pages en latin, ou traduit en français. Et on comparera la traduction française faite en 1584, avec celle que donna dans une étonnante édition le perspicace Brind’Amour (Droz, 1996, p. 277) – curieusement indifférent à l’ablatif absolu et au subjonctif présent – pensant que le médecin de Salon comprenait moins bien que lui les auteurs latins (alors que le sisyphéen bibliophile a probablement dû reconnaître deux fleuves aurifères dans le Gange et le Tage, chacun roulant leurs pépites aux deux extrémités de l’univers précolombien).

   " Un autre problème lié à la Centurie IV est relatif à la ville de Tours, ... le 46e de cette Centurie - « Garde toy Tours de ta proche ruine » ". Là encore Tours, comme Paris ou Bloys, n’est qu’un pseudonyme (latin turris, édifice élevé) servant d’antithèse – c’est, avec le pléonasme, une des figures préférées de Nostredame (cf. mer Tyrrenne en III-62, Angleterre en X-100, ifle de Samos dans la Paraphrase) – à une ruine, un prolapsus comitial de ce divin mal dont le médecin recommande de se "garder", c’est-à-dire, non pas d’éviter, mais de faire attention, d’attendre, de surveiller, de conserver, de protéger (du francique *wardon, allemand warten, anglais to ward ; DMD, 1993), sinon de guérir (du francique *warjan, allemand wehren, protéger). Cette acception démodée du vieil langage (VI-4) est nécessaire pour expliquer les autres occurences du verbe garder :

VIII-32
Garde toy Roy Gaulois de ton neueu
Qui sera tant que ton unique filz
Sera meurtry a Venus faifant voeu,
Accompagné de nuict que trois & fix.

   Mot-clés : garde : protège, occupe toi de ...; ton neveu : du latin nepos, petit-fils ; unique fils : le nom égyptien du phénix a été transmis par les hébraïsants de langue latine jusqu’à la Renaissance, pour désigner un fils éternel et unique, lumineux et igné : " Ben. filius vel filiatio. ; Benir. filius incêdês vel filius lucidus feu filius luminis aut filius igneus. ; Bennum. filius feruus vel filius pifcis fiue filius vnicus aut filius sempiternus. (Jérôme, 1513, Interpretationes Nominum Hebraicorum) ; " …vel quod sit in toto orbe singularis et unica. Nam Arabes singularem "phoenicem" vocant. " (Isidore, Etymol., XII, 7, 22) ; meurtry à Vénus faisant voeu : blessé d’amour pour sa fiancée (femme efpoufée en I-88, vnion faincte en VI-20), une conception que chacun peut épouser (adulterine d’ame en VIII-70) dans la foi (cf. Denys Aréopagite, Les Noms divins, III, 11-17) ; accompagné : (cf. latin comitatus, servus) esclave de Dieu dans une "comitiale agitation Hiraclienne".

II-97
Romain Pontife garde de t’approcher
De la cité qui deux fleuues arroufe,
Ton fang viendra auprès de là cracher,
Toy & les tiens quand fleurira la rofe.

   Mots-clés : garde, protège ; la cité qui deux fleuves arrouse, c’est la Mésopotamie nostradamienne, la Jérusalem céleste, le firmament entre deux eaux ; le sang, c’est le symbole sacré de la génération ; cracher c’est quasi éjaculer le crachat divin d’Atoum (Cf. Rabelais, Briefve Declaration : " Fol.15. b. Si Dieu y eust pissé. Cest une maniere de parler vulgaire en Paris & par toute France entre les gens simples, qui estiment tous les lieux avoir eu particuliere benediction, es quelz nostre seigneur avoit faict excretion de urine, ou aultre excrement naturel, comme de salive est escript Joannis 9. Lutum fecit ex sputo. ") ; la rose, symbole accompagnant le mariage, la naissance, et la résurrection des morts (c’est pendant les rosaria du mois de mai, fête du culte des Manes, que les Romains fleurissaient les tombes avec des roses).

   De ces deux quatrains, mêlant le sang à l’amour, on pourrait rapprocher ce texte de Gertrude d’Helfta, mystique allemande du XIIIème siècle (Oeuvres spirituelles I) : "Vox Christi : In spiritu sancto meo desponsabo te, inseparabili unione ad me astringam te. Tu eris hospes mea, et ego te recludam in mea vivida dilectione. Vestiam te nobili purpurea mei pretiosi sanguinis ; coronabo te auro electo meae amarae mortis". (Dans mon esprit sain, je t’épouserai, je te lierai à moi par un lien inséparable. Tu seras mon invitée, et je t’enfermerai dans mon amour vivant. Je te vêtirai de la noble pourpre de mon précieux sang, je te couronnerai de l’or choisi de ma mort amère.)

   " En ce qui concerne la réponse de « Connetable » à nos travaux, il ne semble pas qu’elle ait été nourrie par une étude approfondie de nos arguments, la preuve étant qu’il développe des points que nous avions réfutés par avance dans nos Documents Inexploités, mais a-t-il lu cet ouvrage ou s’est-il contenté de ce qui est paru sur les websites ?"

   Nous n’avons pas l’intention de soutenir qu’il n’y a jamais eu de faussaires, ni d’imitateurs, ni même de réutilisations politiques toujours réitérées des Prophéties. Donc, en cela le travail de Jacques Halbronn reste intéressant, sinon indispensable. Cependant ses conclusions finales sur le texte des Prophéties (qu’il s’agirait de seules contrefaçons) ne sont pas probantes, car elles se fondent sur des interprétations du texte elles-mêmes toutes erronées. Avant la publication de Logodaedalia par mes soins, l’hypothèse de seules Prophéties contrefaites pouvait encore être plaidée, sur la base de ces interprétations incohérentes, mais aujourd’hui ces dernières s’écroulent une par une, sauf dans la tête de quelques irremédiables hallucinés. Et il faudra bien que Jacques Halbronn reconsidère tôt ou tard ses orientations : ou bien se limiter à l’étude politologique – voire sociologique – des anciennes interprétations matérialistes jusqu’à ce jour toutes impertinentes (c’est un travail d’historien tout à fait honorable), ou bien accepter de nouvelles interprétations, radicalement différentes et novatrices, à l’issue d’une véritable analyse lexicale éloignée d’une lecture strictement politicienne, et les élever à plus haut sens, beaucoup plus haut.

   En conclusion, il faudrait maintenant faire un effort pour porter sur le Web les meilleures études possibles sur Nostradamus, plutôt que les cantonner à des cercles confidentiels d’initiés. La raison principale est que trop de navrants et stériles propos sur les Prophéties et leur auteur (en particulier sur les sites anglophones, atteignant un délire sans pareil, démesuré) continuent de circuler partout sans contrepoids sérieux, et il conviendrait que les lecteurs entendant exactement la langue de Renaissance du médecin salonnais osent s’exprimer, après avoir pris connaissance du contexte mental – spirituel et dyslexique – de leur auteur. On regrettera donc que certains lettrés – approuvant les interprétations matérialistes historiques – laissent ainsi le champ libre aux ignorants, mais probablement ont-ils peur de se faire remarquer en se commettant avec un sujet sulfureux, ou craignent-ils un amalgame injustifié avec des bonimenteurs, alors qu’ils pourraient contribuer à enrichir nos études, tout en élevant leur réflexion. Car nous avons désormais ouvert le seul chemin qui conduise à une solution compréhensible de l’oeuvre nostradamienne dans son ensemble : celui de son analyse systématique, lexicale et psycholinguistique. Laissez-donc tomber toutes ces interprétations matérialistes ou magiques, aspirez à plus haut sens, ouvrez la porte, suivez le chemin et rejoignez-nous.

Dr. Lucien de Luca

Bibliographie

DENYS L’AREOPAGITE
Oeuvres complètes du Pseudo-Denys l’Aréopagite. Traduction, commentaires et notes par Maurice de Gandillac.
1943 AUBIER

DUBOIS J., MITTERAND H., DAUZAT A.,
Dictionnaire étymologique et historique du français.
1993 Larousse

GESNER Conrad
Onomasticon propriorum nominum, virorum, mulierum, sectarum, populorum, idolorum, syndrum, ventorum, vabium, marium, fluviorum, montium, et reliquorum, ut sunt vici, promontoria, stagna, paludes, etc. / nunc primum cum ex Calepini, tum ex aliorum doctorum dictionariis partim à Conrado Gesnero Tigurino,...
1544 Basileae
http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=N093864&E=0
http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=N093865&E=0

GERTRUDE D’HELFTA
Oeuvres spirituelles.
1967 Cerf

GODEFROY Frédéric
Dictionnaire de l’Ancienne Langue Française et de tous ses dialectes, du IXe au XVe siècle.
1885 F. VIEWEG Editeur; 1983 Slatkine

POSTEL Guillaume
Le Thrésor des Prophéties de l’Univers.
Manuscrit publié, avec une introduction et des notes, par François Secret.
1969 Martinus Nijhoff, La Haye

VITRUVE
Les dix livres d’architecture de Vitruve / Corrigez et trad... en françois
1673 , J.-B. Coignard
http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=N085660&E=0
http://gallica.bnf.fr/scripts/ConsultationTout.exe?O=N057787&E=0



 

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