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ANALYSE

158

La forêt du Touphon & le duc d'Etampes
¿ thaumaturgia optica ?

par le Dr. Lucien de Luca ©

    La plupart des nostradamisants, sinon la totalité, interprète séparément chaque strophe des Prophéties de Nostradamus, et attribue à chacune des événements particuliers différents, sans relation entre eux ; et chacune de ces strophes reçoit invariablement depuis presque cinq siècles des interprétations toutes différentes les unes des autres. Une foule d'exégètes, égarés par une tenace superstition, a cru et croit encore à de prétendues visions magiques, à d'impossibles révélations surnaturelles. Toutes ces impertinences ont bien évidemment provoqué la réaction de quelques critiques sceptiques : les uns se flattent d'expliquer définitivement aux ignorants qu'il s'agit seulement d'une compilation alambiquée d'œuvres historiques, voire d'une poésie d'humaniste mélancolique, les autres – croyant peut-être devoir sauver l'astrologie d'un naufrage – invoquent la confection d'un bric-à-brac apocryphe par d'introuvables faussaires. Il reste qu'aucun de ces savants bateleurs, malgré quelques déclarations d'une vanité consternante et disproportionnée par rapport à l'insignifiance des résultats observés, n'est hélas parvenu à expliciter dans le détail la sémantique de l'exotique charabia nostradamien, totalement étranger à leur fantaisie auriculaire. A-t-on, par exemple, jamais lu sous la plume de ces savants ce que signifiaient exactement, avec la raison de leur création, ces quelques mots parmi d'autres : lasnide, camysines, ailleurs NERSAF, FERTSOD, GAGDOLE, LONOLE, et ici Touphon, Lehori ?

   Depuis la publication de Logodaedalia en 2001, je ne cesse de combattre toutes les extravagantes fumisteries des uns, et de désapprouver les sophismes impertinents des autres ; bien plus, je persévère obstinément à soutenir que l'on doit d'abord étudier la personnalité neuro-psychiâtrique de l'auteur des Prophéties – un mystique dyslexique souffrant de comitiale agitation – avec sa production littéraire comme un labyrinthe à parcourir, et que l'on doit même examiner chaque mot en fonction de ses emplois dans l'ensemble du corpus nostradamien [1], parallèlement à la recherche de leur source littéraire possible.

   Ce type de labyrinthe ressemble beaucoup au modèle des énigmes logiques créé par Lewis Carroll, et qui a déjà fait l'objet d'études mathématiques exactement applicables à notre sujet : comme le "problème de la côte de porc" qui, sous des apparences absurdes, avec quinze propositions et onze variables booléennes, cache un dédale logique difficile à démêler [2], appartenant à ce que les logiciens appellent les problèmes SAT (pour satisfiable, s'il y a au moins une solution) ou NP-complets (N pour non déterministe, P pour polynômial en temps de calcul).

   Avant d'étudier ici la strophe IX-87 des Prophéties, et pour illustrer mon propos, je divertirai le lecteur en lui rappelant deux formules énigmatiques bien connues des Anciens, rapportées par Athénée [3] : J'ai vu un homme coller de l'airain sur un homme avec du feu, si près que le sang les unissait. Quelques lecteurs dédaignant l'art d'Hippocrate penseront que cela ne veut rien dire, mais les lecteurs de Démétrios [4] savent déjà que les "Mystères utilisent l'allégorie comme langage, pour que l'on soit frappé, que l'on frissonne, comme dans les ténèbres et la nuit ; d'ailleurs l'allégorie ressemble aux ténèbres et à la nuit" ; de même les lecteurs d'Aristote [5] se souviennent aussi "qu'avec de bonnes métaphores on peut trouver des énigmes bien faites, car les métaphores impliquent des énigmes".
   La seconde formule énigmatique – "un homme non homme frappa sans frapper un oiseau non oiseau, perché sur un arbre non arbre, avec une pierre non pierre" [6] – évoque, à coté de l'allégorie et du pléonasme pratiqués assiduement par le bibliophile de Salon [7], une autre trope nostradamienne, l'antithèse : "femme non femme" dans la strophe IV-57, "prins non prins" en IX-29, "vueil non vueil" en X-85, "iceux freres, non freres Aquilonaires" dans l'Epître à Henry, "homme vir non vir" dans les Significations de l'Eclipse (Chevignard, 1999, p. 450). Une lecture superficielle de ces antithèses pourrait laisser penser que ce ne sont que de simples formules décoratives, reprises à d'autres auteurs plus fortunés [8]. Par chance, l'élève de Galien usait aussi fréquemment de périphrases sophismatiques : vir non vir est un syntagme indissociable, synonyme d'Androgyne, car dans la sémiologie allégorique de la Renaissance, un androgyne est un être unique qui se crée de lui-même, une sorte de phénix [9], un père femelle qui se procrée de lui-même en mourant, en résumé un ressuscité, un survivant qui a échappé à une mort complète et définitive, de la seconde mort dantesque. La périphrase vueil non vueil est une antithèse associée à un pléonasme dans le même vers : "le vueil non vueil le mal parlant timide" ; les expressions vueil non vueil (voulant non voulant, velléitaire) et timide étant synonymes entre elles, mais aussi et surtout synonymes de pieux (craintif, révèrant Dieu) dans la langue des chrétiens, celle de la ligue couarde [10]. De même, pris non pris est une périphrase traduisant le grec επιληπτος : pris (au sens propre) et possédé (au sens figuré, comme épileptique, ravi, captivé, investi, assailli ou assiégé de questions ou d'attentions). Ce n'est qu'ensuite qu'on vérifiera dans l'ensemble du corpus si telle ou telle chaîne de synonymes est, ou n'est, pas valide. Et là, on ne regrettera pas que, en plus d'un nécessaire minimum de critique hypothético-déductive, le secours d'une recherche philologique minutieuse soit indispensable à la résolution des énigmatiques centuries.
   Convenablement orienté, le lecteur exigeant recherchera alors systématiquement dans les Prophéties ces deux formules stylistiques, le pléonasme et l'antithèse, en s'aidant si besoin de la polysémie du vocabulaire grec, langue que Nostredame fréquentait assiduement ainsi qu'il l'a montré – à dessein – avec quelques néologismes dans le Dixain adressé aux Ineptes translateurs de sa Paraphrase de Galien. S'ils désiraient vraiment extraire la substantificque moelle des os nostradamiens, les censeurs insensés, ceux qui enseignent aux ânes le langage des perroquets, devraient néanmoins suivre ce dernier conseil pour s'éviter la honte et la dérision, car c'était en effet une habitude pour les humanistes de la Renaissance de travestir les noms de leurs personnages dans une langue pérégrinne, latine ou grecque [11].

   Mais par bon heurt prévenus, les lecteurs des Prophéties cesseront alors de frissonner comme des couards lorsqu'ils découvriront l'allégorie derrière l'énigme, et alors changeront d'horizon pour mieux voir le bourgeon dans la forêt.

Dali, Marché aux esclaves avec disparition d'un buste de Voltaire

Marché aux esclaves avec disparition d'un buste de Voltaire (Dali, 1940)

   Alors, quand les profanes admettront enfin que Michel de Nostredame souffrait d'une dyslexie, et que ses écritures comportent, comme celles de Lewis Carroll, une grande quantité de néologismes allégoriques organisés en réseau complexe, ils commenceront enfin à progresser dans la résolution de l'énigmatique charabia ; et en s'informant sur la sémiologie psycholinguistique des auteurs mystiques, ils s'approcheront encore plus près de la rivière menant au bord de la solution.



   Place donc à la strophe IX-87 des Prophéties, et à sa lecture per Logodaedaliam :

IX-87
Par la foreft du Touphon effartée,
Par hermitaige fera pofé le temple,
Le duc d'Eftampes par fa rufe inuentée,
Du mont Lehori prelat donra exemple.

par :
   – adverbe introduisant un complément circonstanciel de lieu, de manière ou de temps : par la barbe du prophète, par le travers, par beau temps, par chance, etc..

forest :
   – du bas latin silva forestis, locution désignant la "forêt royale", un bois, un parc, une réserve [12] ;    – ,forestis est un dérivé de forum, i.e tribunal, parquet, et désignait un territoire dont le Roi (ou la Reine) se réservait la jouissance (DHLF ; Ernoult & Meillet) ; on retiendra que, pour un mystique, le Roi n'est pas nécessairement un homme, mais éventuellement Dieu lui-même dans son "royaume des cieux", sa forêt pourrait donc une "forêt non forêt", un tribunal céleste, un parquet divin ; on rappelera d'autres occurences du mot forest dans les Prophéties :

   – la forest non loing de Damazan ... par erreur de mezan (VIII-35). Damazan est le nom d'une ville près d'Aiguillon, au confluent de la Garonne et de la Baïse, comme précisé dans la même strophe. Mais le vocable Damazan rappelle le grec damazô : "tuer, vaincre, soumettre, domestiquer, dompter", verbe convenant à un dieu [13], comme Poséidon (Δαμαιος le Dompteur) ou à son lieutenant soumettant un épileptique (du grec επιληπτος) "pris non pris" : "και ουδεις αυτον ισχυεν δαμασαι : et nemo poterat eum domare : et personne ne parvenait à le dompter" (Marc, V, 4) ; erreur : action d'errer, errance (du grec πλανη : course errante, pour une planète céleste, ou une comète) ; mezan : milieu (comme dans Lannemezan, la lande au milieu ; Nègre, 1991). La forest de Damazan serait alors chez le bibliophile, mieux qu'une vulgaire futaie : l'enclos d'un dompteur, domestiquant ses "animaux" dans une "cage de fer" ;
    dans le milieu de la forest Mayenne (IX-19). Cette expression laisse sous-entendre un pléonasme exprimé soit par le mot milieu : de Mayenne, Meduana en latin (de medius, milieu, medio, partager en deux), une rivière, ou une rive élevée au milieu de deux autres rivières (le firmament dans la Génèse, entre deux fleuves, entre les eaux d'en-haut, célestes, et les sources d'en-bas, sous-terraines : c'est la Mésopotamie nostradamienne), soit par le latin majus : dans le firmament du majestueux parquet, seyant au Magistrat du tribunal céleste ;
    par la forest de Reines (IX-20). C'est encore un pléonasme : la forêt, étant déjà une possession royale, on peut donc entendre "la forêt royale de la reine", voire de Reines, Renée - une sorte de résurrection - comme le prénom maternel de Michel de Nostredame lui-même ;
    – dans la forest bourlis (IX-40) ou bourlis dans la forest : bourlis, trouble, confusion, bourlos, moquerie (Boissier de Sauvages, 1785 p. 104) ; soit de l'ancien français bourle, burle, plaisanterie, tromperie, mystification, de l'italien burla ; soit de bole, bule, burle, bourle, boule, petite massue, boule, bulle, bulletin, glome, billet contenant un message, un sceau (estampe), un certificat (Godefroy, 1885, Greimas, 1994, DHLF) ; pourrait-on voir dans la forest bourlis un bosco à estamper, qui fera forte impression...?
Cf. Du Cange (Glossaire) : BOULE, Astuce, tromperie. Gl. Boula ; Massue, Gl. Bola. BOURLOS, Plaisanterie, raillerie, dérision, Gl. Burlare.

   – la forest de Nostredame : cache-t-elle le bois de l'arbre, une champ de croix, un parquet de pieux [14] ?

Touphon :
   – Pour Le Pelletier, un des premiers à avoir tenté d'établir en 1867 quelques concordances linguistiques dans le domaine héllénique, ce mot viendrait du grec τοφιων : carrière d'où l'on extrait le tuf, plâtrière. Mais on trouve une explication plus pertinente de ce mot dans une glose d'Hesychius : τουφος, ταφος. Touphon, τουφον [taphon ταφον] est l'accusatif singulier de touphos τουφος, [taphos ταφος] (de θαπτω : rendre les honneurs funèbres, enterrer, incinérer), et signifie : funérailles, sépulture, tombeau, catafalque, échafaud, croix, crucifix, estrade, échelle. On retiendra une raison supplémentaire pour penser que le Touphon des Prophéties est bien dérivé de Taph(os) – le tombeau, la dernière demeure – puisqu'on trouve un autre emploi de Taph(os) – la croix – dans l'Orus Apollo :


(Orus Apollo Niliacque, Nostredame ~ 1545) :

Comment ilz signifioient la vie future.

Signifier voulant mutation
Des dorés siècles par ung futur presaige
Des monnarchies par transmutation
Le denoutant par ung document saige
Et Lempire estre au supresme advantage
Et non durable ni stabille ni ferme
Ilz faisoient paingdre cõme ung chascung aferme
Deux lignes mises en perpendiculayre
Cõme de taph indice si conforme
Quil presaigoit ung grand divin mistere



(Orus Apollo, Kerver, 1543) :

Comment ilz signifoient la vie future ou le salut à venir. Pour signifier la vie future ou le salut à venir ilz figuroient deux lignes une en travers sur une autre perpendiculaire en forme de croix & de cela ne donnoient autre raison fors que cestoit une signification de divin mystere.
 [Taph] ... la vie future..., in Orus Apollo (ed. Kerver, 1543)

   Le divin mystère dont il est question serait en rapport avec la signification de la clé ansée égyptienne – un Tau surmonté d'un cercle (ou entouré, comme dans le Θ) – croix adopté par les populations sémitiques en contact avec les Egyptiens [15], pour désigner l'entrée dans la vie éternelle (après la mort terreste). Plutarque commente pour nous une signification du mot Taph : "Eudoxe rapporte qu'on cite en Egypte plusieurs tombeaux d'Osiris, et que son corps est réellement à Busiris, patrie de ce roi ; mais on ne peut contester qu'il ne soit à Taphosiris, comme le nom seul l'indique, puisqu'il veut dire tombeau d'Osiris" (Isis & Osiris, 21) ;

forest de Touphon :
   – probable pléonasme nostradamien : forêt de bois (ou forêt de croix), ayant la signification de chacune des parties : forest pour "bois, parquet, enclos divin", Touphon pour "croix de bois, échelle céleste, échafaud divin" ; la forest de Touphon ce serait davantage le parquet de Tudieu que la forêt de Torfou ;

essartée :
   – du bas latin exartum, part passé de exarire, défricher, latin sarire, sarcler ;
   – essartée : éclaircie, conviendrait une forêt défrichée [16], à une clairière, dans laquelle on voit clair, on aperçoit la lumière céleste [17] ;

   – cf. les arbres esbrotés en II-7 : cf. esbrouta : rompre les menues branches d'un arbre (Boissier de Sauvages, 1785) ; broto : pousses d'un arbre (Croisade des Albigeois, T1, p. 394) ; des arbres émondés qui, mourant de faim, désigneraient alors les éléments de la forêt divine, l'assemblée des fidèles (dégarnis, dépouillés ; Le Pelletier, 1867) qui, une fois essartée, feront les forests repoulsées en VI-7, les croix repoulsées en III-20 ;
   – la Septante interprète l'hébreu נירו לכם ניר avec l'idée de lumière, là où les hébraïsants expriment simplement l'acte de « défricher son champ » :
   – Osée (10, 12) : φωτισατε εκζητησατε τον κυριον εως « Éclairez-vous d'une lumière de connaissance », en latin "Semitate vobis in justitia, et metite in ore misericordiae ; innovate vobis novale ; tempus autem requirendi Dominum, cum venerit qui docebit vos justitiam" ;
   – Jérémie (4, 3) : νεωσατε εαυτοις νεωματα, « Défrichez pour vous votre champ », en latin "Novate vobis novale"

la forest du Touphon essartée :
   – le tribunal de la voie divine éclairci, un champ de tombes à nouveau cultivé ;

hermitaige :
   
– ermitage, du grec êrêmitês, qui vit dans la solitude (de êrêmos, désert) ; habitation d'un ermite : ησυχαστηριον, de ησυχος : tranquille, immobile, silencieux, placide, calme ;

temple
:
   – latin templum, espace circonscrit, délimité, espace consacré, inauguré,

   – trahir le Temple (IV-76) : mettre le Temple au grand jour, l'enseigner, le révéler au profane ;
   – temple d'Artemide (IV-27), un temple de vierges (cf. Habit de femme au temple d'Arthemide en X-35) ; pour les auteurs de l'Antiquité, le déguisement avec des habits féminins (pour mimer la virginité comme l'androgynie) était un rite de passage et d'initiation à la métamorphose et à la renaissance divines (Delcourt, 1958 ; p. 54) ;
   – temple du Soleil (VIII-53) ;
   – temple des Vestales (IX-9) : rappelle les vierges qui raminaient le feu sacré (cf. Ζωπυρος, qui ranime le feu) en exposant des cratères concaves, paraboliques, aux rayons solaires, c'est ce que racontait Plutarque dans ses Vies Parallèles (Numa, XI) ;

posé :
   – se réfère précisément à l'action de délimiter l'espace consacré, lorsqu'on fonde une nouvelle secte (III-67, VI-66) ;

duc :
   – du latin dux, conducteur, guide, chef, général, un "oiseau non oiseau" ;

Estampes :
   le nom de cette ville de l'Essonne (Stampas en 642, de Stampis en 1182, ecclesiae Veterum Stamparum en 1183, Stampae en 1552 chez Cousin, T. 2, p.85) vient du francique *stampôn (allemand stampfen, italien stampare) : plier, broyer, écraser, fouler, piétiner (DHLF, TLF, Godefroy, 1885, Nègre, 1991), mais aussi escroquer (cf. l'italien stampare bugie et stampare una bugia, inventer des mensonges, rouler quelqu'un) ;
   une estampe (un estampon, pour estamper, estampir ; Godefroy, 1885) est aussi un tampon pour imprimer une marque, un sceau [18] ;
   – la proximité d'une commanderie templière, appelée le Temple, indiquée dans la Guide des Chemins de Robert Estienne, n'a été qu'une occasion supplémentaire toute trouvée pour donner une référence spirituelle à cette strophe ;

le duc d'Estampes :
   – le garde des Sceaux, le chancelier de Justice, le chef Nemans qui sera tant terrible en V-58 : Nemans, du latin nemo [19], le bois sacré, le sanctuaire, la clairière où se célèbre un culte (Ernoult & Meillet)....

ruse :
   – du latin recusare, refuser, tromper ;
   – on remarquera que le grec δολος (ruse) est synonyme du polysémique σοφισμα : habileté, invention, artifice, ruse, sophisme ;

inventée :
   – du latin invenire, trouver ;
   – pour certains auteurs une invention c'est une ruse, un mensonge [20], qui rappelle donc encore le grec σοφισμα

ruse inventée :
   – on voit qu'il s'agit là encore d'un pléonasme, trope récurrente dans les Prophéties, construite sur le vocabulaire grec, qu'il est donc indispensable de rechercher systématiquement, autant sinon plus que le latin, pour bien comprendre l'élève de Galien ;
   – en IV-42 on observera la même expression pléonastique devant le syntagme fraudulente dole [21] signifiant un amusement, une amorce, un appât (dole : du grec δολος, amorce, piège, ruse, artifice, en grec απατη et δολος sont synonymes de fraude ; fraudulente, du latin fraudulentia : fourberie, astuce) ;

du :
   – adverbe de lieu, ou de manière : du haut de ses vingt-ans, du haut de ces pyramides ;

mont :
   – montagne, sommet, rocher, aiguille, dent, pic, éminence, lieu élevé, l'Olympe (la demeure des dieux, une acropole d'où Zeus lance sa foudre sur ses sujets indociles) ;

Lehori :
   – Nostredame n'a pas exactement reproduit ce qu'il a lu dans la Guide des Chemins (Mont-le-Heri) en retenant de Heri une seule signification tirée du latin (h)erus, génitif (h)eri : "grand, maître" [22] ; mais il met hori, qu'on pourrait encore comprendre comme une déformation du précédent (h)eri en hori, par attraction de horior, faire vouloir, exhorter (verbe convenant à un magistrat ou à un jurat) ;
   – pour Le Pelletier le mot Lehori viendrait du grec λευρος : uni, plat, ce qui ne serait pas totalement impossible puisqu'à cette acception on doit en ajouter deux autres (Bailly, 1950) : "que l'on voit de loin en parlant d'un rocher", "où la vue s'étend sans obstacle", vers le horizon, du grec οριζων, de οριζω : délimiter, fixer les bornes, définir, de όρος : limite, borne, synonyme de ορός : montagne, limite spirituelle entre le ciel (aether) et la terre ;
   – on pourrait rappeler que le grec ορος se décline en οριον, horion, synonyme de coup, choc, comme ictus, de ico, frapper, blesser [23] ; cf. rivage d'Araxe en III-31, où on entrevoit que le grec ακτη : rivage, montagne, promontoire, s'accompagne de αραξις : heurt, choc, du verbe αρασσω : heurter, frapper ;

mont Lehori :
   – mont majestueux, grande éminence, maître supérieur, chef olympique ;
   – sur le modèle de Monthléry (Aeterico monte ; Nègre, 1991) – décomposé en Mont-le-Héri <Mont-le-Hori> – on pourrait étudier les 20 monts nostradamiens, lesquels présentent tous sans exception la particularité d'une connotation religieuse, excluant tout rapport matériel strict avec une géographie profane :

1. – Par Iura mont en II-83 : Monte Iura altissimo chez Pline, Ioux ou Joux au XVIème siècle (du gaulois jura, montagne boisée ; Nègre, 1991), du latin jura, les lois, les constitutions, nominatif pluriel de jus, juris, le droit, la justice ; le mont Jura nostradamien désigne ainsi le tribunal céleste, comme la montaigne de IVRA Secatombe en VIII-34, où Secatombe – qui allitère avec hécatombe, un sacrifice – est un hybride pléonasmique du grec σηκος lieu clos, lieu de sépulture consacré, chapelle funéraire (de σηκαζω enfermer, parquer), et du mot tombe (i.e. taph, Touphon), comme pour rappeler l'inscription latine d'un fameux calvaire chrétien ;
2. – Mont Aventine brusler en III-17 : Fustel de Coulanges, en résumant ce qu'ont dit les auteurs latins [24] : "Plus tard quand de nouveaux plébéiens vinrent à Rome, comme ils étaient étrangers à la religion de la cité on les établit sur l'Aventin c'est-à-dire en dehors du pomoerium et de la ville religieuse", rappelle un emploi du mot aventin (ou avantin) par les auteurs de la Renaissance [25], pour traduire les nouveaux rejetons de la vigne dans Columelle ; ou du latin avens, aventer, avec empressement, de aveo, désirer, brûler d'envie [26], ou de avent (du latin adventus) à venir ;
3. – mont Tarpee (III-96) : du latin tarpa, la taupe au nez pointu, un animal fouisseur (σκαλοψ, du grec σκαλλω : sarcler, fouir) qui vit sous terre comme les morts, mais "voit" dans l'obscurité ;
4. – mont Lebron proche de la Durance (III-99) : Lebron ressemblerait à Luberon, ou plutôt à l'Ebron, une rivière affluente du Drac dans le département de l'Isère, en vérité non éloignée de la Durance (Durentia en 1271, par attraction de l'adjectif latin durus, dur ; Nègre, 1991) ; son nom rappelle le latin ebur, ebor : désignant ce qui est blanc comme l'ivoire de l'éléphant, et qui aurait donné son nom à Embrun (Eburodunum) dans les Hautes-Alpes ; le mont Lebron serait alors une dent rocheuse, d'une blancheur immaculée ;
5. – Monthurt, Mas, Eguillon (IV-79) : "mont heurt" (hurt : heurt, choc ; Greimas, 1994) rappelle le rivage d'Araxe de III-31 (cf. du ciel frappé en I-27, II-27-56, frappé du haut nay en II-92), tandis que le rébus Mas Eguillon dessine parfaitement une maison, une demeure bien élevée comme l'Olympe ou l'acropole de Zeus (Aiguillon, de Aculeo en 1269, de l'occitan agulhon, aiguillon, pour désigner une hauteur pointue ; Nègre, 1991) ;
6. – mont Gaulsier & Aventin (V-57, IX-2) : Mont Gaussier, montis Garserii en 982, casteli Jaucerii en 1080, montis Gauserii en 1104, castrum de Gaucerio, de Gauserio en 1234, ailleurs castellum Jaucerium, Mons Garserius, Mons Gausserius (Durupt, 1997 ; Gateau & Gazenbeek, 1999 ; p.266, 370). Surplombant Saint-Rémy, village natal de Michel, le mont Gaussier est une crête rocheuse de 120 mètres de long, bordée de falaises calcaires d'une centaine de mètres de hauteur, et qui fut amenagée à l'époque médiévale d'une construction fortifiée particulièrement inaccessible ; ce relief karstique – ce puy – donne naissance à plusieurs sources, dont il est parfaitement établi que l'une d'elles alimente depuis l'antiquité romaine un aqueduc, initialement destiné aux sanctuaires salyens et autres fontaines sacrées de Glanum, ensuite prolongé jusqu'au monastère de Saint-Paul de Mausole [27]. On pourrait s'interroger devant ce l que le rédacteur retient devant le s de Gaussier : du latin calcis, chaulx, chaux, qui a donné l'occitan caussier, four à chaux, et causse, un sol calcaire ; ou de l'ancien français gaul, gaut, une terre inculte, un bois, une forêt, un joulx rappelant le Joux du Jura (Godefroy, 1885) ; ou de goulphre, confondu jusqu'au XVIe siècle avec golfe, gouffre, trou, pertuis, un aven comme on en voit dans les Causses : un puits, une caverne, une gorge [28] ; .
   La suite de la strophe V-57 précise, comme en IX-2 avec une voix ouye, que "par le trou advertira l'armée", ce qui laisse supposer que le mont Gaulsier des Prophéties est encore un mont allégorique, un "mont non mont". D'un gosier advenu sortira-t-il un flot discursif inondant une foule de nouveaux venus ?
   – c'est ce que propose l'issue de cette strophe avec "faillir la renommee" : faillir confondu avec falloir jusqu'au XVIème siècle, c'est-à-dire "ne pas résister" comme "être sur le point", peut s'entendre du grec polysémique δεω, εν-δεω : avoir besoin de [quelque chose], ou attacher à soi (Bailly, 1950) ; dans Le bon usage de Maurice Grévisse (7e édition, page 619, article 701.26) on lit : « Faillir et falloir sont des doublets : de même qu'à vaut répondait l'infinitif valoir, de même à faut la langue du Moyen-Age a fait répondre un infinitif falloir » ; comme en V-59 (Quant en Artois faillir estoile en barbe) faillir est donc aussi synonyme de tomber, arriver, échoir, devenir [29] ;
7. – la forest & mont inaccessible en V-58, comme le lieu puissant inaccessible de VII-17 : ces deux expressions équivalentes confèrent à la forest et au mont nostradamiens les qualités emblématiques d'une puissance immatérielle car spirituelle, et inaccessible en parlant des montagnes (αβατον ; Hérodote, IV, 25) comme des sanctuaires (αλλα φυεται μαλιστα επι των ταφων, οτι αβατωτατος ο τοπος εστιν : ... près des tombeaux, ... c'est un lieu très retiré ; Aristote, Problèmes, XX, 12 ; cf. Estienne, 1559 : Montaigne inaccessible, Praeruptior collis, Mons inaccessus) ; le mont Inacessible, ou mont Aiguille près de Voreppe, est cité dans la Guide des Chemins sur le chemin de Lyon à Grenoble par Bourgoin : « Vne montaigne pres du moustier de Clermont, que lon dict inaccessible »; cf. le latin adytum, du grec αδυτος : impénétrable, inaccessible, resserré (Gesner, 1537 ; Bailly, 1950) la partie la plus secrète d'un lieu sacré ; dans la même strophe on rencontre "l'acqueduct d'Uticense, Gardoing" se réfèrant en fait au pont du Gard [30], un aqueduc sur le Gardon en Uzégeois (d'abord Territorium Uceticum ou Pagus Uzeticus au Moyen Age, puis Civitas Uticensis en 1096, et Uticensis metropolitana en 1512 : Germer-Durand, 1868, p.250 ; Ménard, 1750-58, T.4, p. 90, col. 2) ;
   On remarquera que ces deux strophes successives (V-57-58) sont à première vue, comme IX-86-87, sans rapport ; et pourtant l'analyse lexicographique – révélant une relation allégorique commune avec une voix fluviale (en fait un flux verbal, comme un "aqueduc non aqueduc") – permet d'affirmer exactement que le rapport sémantique est avéré ;
8. – Mont Senis (V-61) : du latin Mons Seuxinus, Mons Geminus, Jugum Cibenicum, Mons Sancti Dionysii, Mons Cillenius, Mons Cinesius, Mons Cinerum, Cinensius, Cinicium, oriente vers une signification religieuse, eu égard au mot feux du même vers, à savoir les cendres – du latin cinis désignant pour les chrétiens les restes des morts vénérés, enfermés dans un cinerarium, un caveau mortuaire, i.e. un touphon ;
9. – mont Cavaillon (V-76) : Cabellius, Caballius, d'un mot ligure cab, hauteur (Cherpillod, 1991) ; ou de cave (montagnes cavées en X-49) du latin cavea : concavité, orbite, cage (pour illustrer le maître des sommets concaves ou des orbites sidérales) ; ou de cavilla, plaisanterie, baliverne, sophisme (pour illustrer un maître de rhétorique) ;
10. – mont Dolle (V-82) : Dole ou d'ole (du grec ole, tout) un mont Tout-puissant ; ou du grec dolos, astuce, ruse, plaisanterie : une éminence astucieuse, un drôle de mont sieur ;
11. – mont Royal (VII-32) : rectoral, directorial, du latin rego, diriger ;
12. – mont Adrian (VIII-86) : du prénom Hadrien, du grec adros, abondant, épais, dru, développé, fort ;
13. – mont Aymar (IX-68) : Aymar est un prénom d'origine germanique (apparenté à Americh, mais aussi à Henri, Heinrich), de haim/heim, maison, et maro, important, illustre ; la connaissance des prénoms germaniques n'est pas un problème chez Nostredame puisque l'on sait qu'il entretenait une correspondance avec des clients allemands pour des horoscopes (Dupèbe, 1983), et qu'en outre il y avait une colonie d'étudiants germaniques à Montpellier, relatée par Félix Platter qui lui aurait même rendu visite (Platter, 1892) ; le mont Aymar est donc encore un "mont non mont", une maison de haute naissance, fort bien élevée, en quelque sorte ;
14. – mont de Bailly (IX-69) : bailly, de l'ancien français bail, gouverneur, du latin bajulus, chargé d'affaires ;
15. – Monferrat (VIII-26) : Montferrat dans le Var et en Isère (de Monte Ferrario en 1110, de Monte Ferrato en 1135), du latin montem et de l'adjectif ferrarius : concernant le fer, ayant l'aspect du fer (par attraction de l'occitan ferrat : "ferré" ; Nègre, 1991), donc un mont sidéral, au firmament ;
16. – Montlimard (IV-42) : Montelh Aymar, Montellum Aymardi, de Aymar, Adhemarus (Cherpillod, 1991, Nègre, 1991) ;
17. – Montmelian (X-37) : Montis Meliani castellanus en 1208, Mons Mellianus en 1233, comme Châteaumeillant dans le Cher (Melliandi, -ani, Mediolanense castr., Mediolanum Cuborum) ou Montmeyan dans le Var (Montis mediani), viendrait de meillan, signifiant rocher, refuge, forteresse [31] ; dans les Prophéties Montmelian est alors un superlatif de Milan, Mediolanum, qu'on a traduit très justement par "plaine du milieu" [32], un promontoire entre deux eaux qui est, avec le syntagme "fer de cage", la concavité sidérale – σιδηρεος ουρανος – des anciens Grecs, supposant que la voûte céleste était métallique (Odyssée, XV, 329 ; XVII, 565 ; Bailly, 1950), et aussi le firmament des Hébreux : "Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux" (Fiat firmamentum in medio aquarum, et dividat aquas ab aquis ; Génèse, 1, 6), et enfin la Mésopotamie nostradamienne. Donc le Montmélian nostradamien – une sommité céleste, une forteresse sidérale – est encore une nouvelle allégorie pléonasmique, tout comme l'expression Milan fer de cage de IX-95 ; et partout où l'on recontrera dans les Prophéties l'expression "cage de fer" (I-10, II-24, III-10) ou Milan (III-37, IV-90, V-99, VI-31-78-87, VIII-7-12, X-64) on peut être assuré que le firmament sidéral est proche, ainsi que le Seigneur de la forêt du Touphon ;
18. – grand Montmorency (IX-18) : du latin Mons Maurentiacus, de Maurentius (comme Morencé, Morancy, Morancez ; Nègre, 1991), le Montmorency du polyglotte Nostredame pourrait être un mont cordial, et médian comme une moelle (cf. Maurienne, cité des Medulli ; Strabon, IV, 1, 11, Pline, III, 137, Vitruve, VIII, 3, 20) ; une grande demeure sépulchrale par le latin mora : retard, arrêt, garde, séjour, demeure (de moror, tarder, séjourner) comme dans More chameau en IV-85, sainct More en VII-12, blessez & more en X-8, Chambry Moriane en X-37 ; un grand majordôme comme Montmaur (castrum Montis majoris en 1165, castrum Montis mauri en 1442, de l'occitan mont, et de l'adjectif major, plus grand ; Nègre, 1991) ; éventuellement de l'hébreu מורה more, mowreh maître, guide (Strong N° 04175-6 traduit par le grec υψηλην, haut, élevé ; Génèse, XII, 6 ; Deutéronome, XI, 30 ; Joël, II, 23), ou de Moriyah, élu de Dieu (Strong N° 04179 – de ראה ra'ah, Strong N° 07200, voir, percevoir – Génèse, XXII, 2 ; 2 Chroniques, III, 1) ;
19. – Montpellier (III-56) : Monte Pestellario en 985, Montempestellarium en 1076, de pestel "loquet, verrou" ou de pestelar "fermer au verrou, enfermer" (Nègre, 1991), Mons pessulanus depuis 1160, Montpeslier dans la Guide des Chemins d'Estienne en 1553, renvoie de même au latin pessulus, verrou, pêne (ancien français pesle) par le grec πασσαλος, piquet, cheville de bois, pieu, gourdin, lui-même à l'origine du latin palus, pal, poteau. On retrouve ce pal dans une liste connue de pseudonymes – PAU, NAY, LORON – qui est bien plus qu'une simple énumération comme le voudrait une docte critique béotienne, mais les éléments d'une charade, puisque qu'on peut voir dans PAU le pieu, dans LORON entendre le grec ορον (accusatif singulier de ορος), montagne, colline, stèle, pilier ; et dans NAY apercevoir la cité de Novum oppidum, la cité neuve (I-24-87, IX-12) d'un vieillard nay en III-63, nouveau vieux en III-72, d'un nouueau nay en VI-3, d'un jeune nay en X-40, d'un rejeton né d'un vieux cep, d'un aventin) ;
20. – Montpertuis (VIII-24) : pertuis, trou, ouverture, creux, du latin populaire pertusiare, de pertundere, trouer, creuser, percer d'outre en outre (Greimas, 1994) ;

prelat :
   – de praelatus, ayant été porté en avant : préféré (élu), de preferri, être porté. Dans la sémantique spirituelle comme dans celle de Nostredame, Dieu est l'élu de ses fidèles, tandis que le moine est l'élu de Dieu, son ministre ;

   – Le coup volant prelat crevera l'oeil (III-41) : l'oeil crevé de ressort en I-27, resserrant le secret en II-27, du verbe latin reserare, ouvrir, rendre accessible, dévoiler, donc révéler le secret par une évidence crevant les yeux ;
   – Quant le Prelat sera repris a tort (VI-31) : du latin tortum, de torquere, tordre, tourner, torturer, tourmenter (cf. Jacob dans la Genèse, 32:25-33 ; Moïse dans l'Exode, 4:24 ; Saül à Damas, Actes 22:6-8), pris et repris, possédé par un tourment moral ;
   – Le grand Prelat Celtique à Roy suspect (VI-53) : (encore la polysémie du grec υπονοια : suspicion, soupçon, supposition, conjecture, pensée ; fauce soupconfausse soupçon – en III-72)
– apres son songe... un monge Qui fera eslire le grand Prelat (VI-86), dans cette expression "un moine (un petit prélat) fera élire le grand Prélat", on distinguera l'article indéterminé "un" de l'article défini "le", seul et unique (Cf. I-97 Par repos, songe, le Roy fera resver, un vieillard resveur en IV-59, d'un faulx sommeil en V-69) ;
   – Prelat avare d'ambition trompé (VI-93) : avare, c'est-à-dire cupide ou rapace ; ambition : désir ou avidité – le pléonasme est résumé par ορεξις : désir, appétit, du verbe ορεγω tendre, aspirer (cf. avare canine en IV-17 : appétit, boulimie, faim canine) ; trompé : déçu par Fortunée, une conception hasardeuse épinglée dans la Paraphrase de Galien, il recherche avidemment la vérité et désire une compagnie plus fidèle, appellée Sophie) ;
   – Pour le seigneur & Prelat de Bourgoing (IX-15) ; Bergousia au IIe siècle, Bergusium au IVe, Burgundium en 1183, le nom de cette ville sur le chemin de Lyon à Chambéry est formé sur le radical berg signifiant "mont, montagne" [33], qu'on retrouve dans les langues germaniques (burg en vieil anglais, buryg en ancien haut allemand, burch en moyen néerlandais) à rapprocher du latin burgus, bourg, ville fortifiée, fortification, tour fortifiée (DHLF), et du grec πυργος : tour, citadelle, rempart (Ernoult & Meillet) ; cf. Proverbes (XVIII, 10) : « Le nom du Seigneur est une tour forte », où l'hébreu מגדל migdal (Strong N° 04026, de gadal, grandir) tour, est traduit en grec par ισχυος, génitif singulier de ισχυς, force, puissance (εκ μεγαλωσυνης ισχυος ονομα κυριου) et en latin par turris (Turris fortissima nomem Domini);
   – prelat roy pernicant (IX-21) : du latin pernix, infatigable ;
   – Le grand Prelat de Leon par Formande (X-47) : for mandé (cf. Rabelais, Gargantua : forbanni), mandé hors, tiré au sort, appelé, choisi parmi la foule ? (cf. hors sortira en II-5, Roy sortir hors en III-50, L'on mettra hors en VIII-10, etc);
Prelat royal son baissant trop tiré (X-56). On peut encore distinguer dans cette strophe une antithèse, que Nostredame aurait pu emprunter chez Horapollon [34] : le prélat, le préféré, l'élu, le ministre de Dieu, a tiré vers lui ce qui le fait baisser, diminuer – latin deprimere, decedere, cadere – cf. grec κολαζω : diminuer, élaguer, émonder, châtier, ταπεινοω : abaisser, diminuer, amoindrir, humilier (trop : comparatif grec -τερος ; tiré : latin trahere, tirer, solliciter, interpréter, traîner avec soi, explicare : déplier, dérouler, étendre, allonger, tirer d'affaire [tiré, trainé en VII-38 : hors de sa place, hors de son territoire, hors de lui ?] ; trop tiré : εξωτερος, expliqué, synonyme de εξωφορος, divulgué) ;

exemple :
   – modèle, règle, canon, patron ;

donra exemple :
   – donnera, montrera la route à suivre, le modèle à imiter, le patron à élire ;

   L'exemple en question est donc celui d'une magistrat bien élevé dont le préfet règlera l'élection.
   Que le rédacteur des Prophétiespour limiter la particularité des lieux – ait écorché quelques toponymes après avoir consulté la Guide des Chemins de Robert Estienne, ce serait difficilement contestable, mais cela ne fait pas ipso facto des Prophéties une poésie mélancolique d'un humaniste rêveur, ni la compilation confuse d'un obscur chroniqueur, ni même une collection d'épigrammes subversifs manigancée par un auteur fantôme.
   Pour dénouer le charabia des Prophéties, les critiques rationalistes disposent donc enfin d'un outil lexicologique adapté, dûment documenté, en cohérence avec les connaissances scientifiques modernes, logico-déductives et psycho-linguistiques.

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quod erat demonstrandum

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CONCLUSION

   Nostredame n'est pas le seul auteur qui ait écrit des énigmes ou des prophéties, qui ait employé des allégories ou des expressions pléonastiques, qui ait écrit des vers spirituels ou religieux, ce n'est pas non plus le seul auteur mystique qui ait écrit un ensemble à la fois énigmatique et prophétique. On précisera qu'aucune prophétie, quelle soit de Nostredame ou d'un autre, n'est par définition garantie de succès, et l'absence de succès d'une prophétie ne contredit pas cette propriété : illusoire ou ratée, elle reste une prophétie, une production psychique indélébile. En rappellant la sémiologie clinique d'une Comitiale Agitation Hiraclienne, exposant les fondements neuropsychologiques d'une abondante redondance sémantique et lexicale, aussi irréfragable qu'irrépressible, je ferai courtoisement remarquer à la docte gent sorbonagre que les pléonasmes allégoriques du médecin de Salon sont bien plus que de simples répétitions ou d'innocentes énumérations décoratives, et que les Prophéties ne sont pas, tant s'en faut, un simple déguisement de poésie humaniste composée pour transmettre au vulgaire un savoir profane.

   On a donc vu qu'en accordant au vocabulaire et aux procédés stylistiques partout réitérés (allégories, pléonasmes, antithèses) une attention digne d'un polyglotte bibliophile, on découvre dans la strophe IX-87 une signification spirituelle, une abstraction de quinte essence, récurrente dans toute l'oeuvre nostradamienne. On voit aussi que pour, enfin, comprendre les Prophéties il est inutile de recourir en vain à des hypothèses invérifiées (qu'il ne peut s'agir que de relations à caractère historique, et non prophétique) ou chimériques (qu'elle serait l'oeuvre d'un faussaire, et même de plusieurs), mais qu'il est plus pertinent d'admettre la signification superlative de ces fameuses strophes sybillines qui – dans un style dyslexique, accessoirement poétique – sont précisément l'expression d'un mystique élevé – entre les épidémies de peste et les pestes d'intolérances – dans les arcanes utopiennes d'une Renaissance redoutant sa fin imminente. A cet effet, même s'il serait parfaitement illusoire de croire partager ou réfuter les conceptions religieuses de l'auteur que l'on étudie, il devient nécessaire, plutôt que les ignorer ou les récuser d'avance [35], d'en faire un inventaire clinique scrupuleux et, puisqu'elles sont savamment dissimulées, d'exhumer les reliques de leur châsse.

   Alors, on finira par comprendre, contrairement à l'opinion générale, alimentée par l'imbécillité de sombres illuminés, protégée par la couardise de quelques savants révisionnistes, que les Prophéties sont en réalité le testament d'un mystique éprouvé, léguant in extremis un singulier message d'espérance spirituelle plutôt que la chronique de scènes catastrophiques inéluctables, passées ou à venir.

in Logodaedalia, le 18 Mai 2005


NOTES

[1] C'était déjà le vœu pieu d'un autre fameux occultiste de la Renaissance dont on a soutenu, sans résultat pertinent, qu'il fut une des sources sulfureuses de Nostredame : "Certains passages sont ordonnés, d'autres ont été écrits sans ordre. Certaines choses sont dites de façon fragmentaire, d'autres sont restées cachées, laissées à la recherche de ceux qui pourront les comprendre. [...] Mais les pervertis et les incrédules n'auront pas accès à ces arcanes : ils seront frappés d'étonnement et s'en détourneront sans les comprendre, les laissant sous le voile de leur ignorance et de leur dégoût. Vous, fils de la Doctrine et de la Sagesse, cherchez dans ce livre, réunissez ce que nous avons dispersé et donné par bribes ici ou là. Mais, ce qui paraît caché en un endroit est expliqué ailleurs afin que vous puissiez le découvrir, car c'est pour vous seuls que nous avons écrit, vous dont l'âme est pure de toute corruption, vous dont la vie est droite, vous dont l'esprit est chaste et pudique, vous dont la foi sans faille craint et révère Dieu, vous dont les mains sont éloignées de tout crime et de tout péché, vous dont les moeurs sont honnêtes, sobres et modestes." (Agrippa de Nettesheym, 1529 ; De la philosophie occulte, III, 65)

[2] 1. Un logicien, qui mange des côtes de porc au dîner, perdra probablement de l'argent ;
2. Un joueur, qui n'a pas un appétit féroce, perdra probablement de l'argent ;
3. Un homme déprimé, qui a perdu de l'argent et qui va sans doute en perdre plus, se lève toujours à 5 heures du matin ;
4. Un homme, qui ne joue pas et ne mange pas de côte de porc au dîner, est certain d'avoir un appétit féroce ;
5. Un homme enjoué, qui se couche avant quatre heures du matin, ferait mieux de devenir chauffeur de taxi ;
6. Un homme à l'appétit féroce, qui n'a pas perdu dargent et ne se lève pas à cinq heures du matin, mange toujours des côtes de porc au dîner ;
7. Un logicien, qui est en danger de perdre de l'argent, ferait mieux de devenir chauffeur de taxi ;
8. Un joueur sérieux, qui est déprimé bien qu'il nait pas perdu d'argent, n'est pas en danger d'en perdre ;
9. Un homme, qui ne joue pas et dont l'appétit n'est pas féroce, est toujours enjoué ;
10. Un logicien enjoué, qui est vraiment sérieux, n'est pas en danger de perdre de l'argent ;
11. Un homme dont l'appétit est féroce n'a pas besoin de devenir chauffeur de taxi, s'il est vraiment sérieux ;
12. Un joueur, qui est déprimé bien qu'il ne soit pas en danger de perdre de l'argent, reste debout jusqu'à quatre heures du matin ;
13. Un homme, qui a perdu de l'argent et qui ne mange pas de côte de porc au dîner, ferait mieux de devenir chauffeur de taxi, à moins qu'il ne se lève à cinq heures du matin ;
14. Un joueur, qui va se coucher avant quatre heures du matin, n'a pas besoin de devenir chauffeur de taxi, à moins qu'il n'ait un appétit féroce ;
15. Un homme à l'appétit féroce, qui est déprimé bien qu'il ne soit pas en danger de perdre de l'argent, est un joueur.

On remarquera que dans cette énigme du Révérend Dodson on sait parfaitement que les 11 variables sont booléennes, et que le nombre d'hypothèses possibles est égal à 2 puissance 11 (soit 2048 hypothèses), mais que la solution inattendue de son énigme ne requiert que 4 variables seulement (être logicien, sérieux, se lever tôt, se coucher tard), tandis que les 7 autres sont indifférentes (manger du porc, être joueur, avoir perdu de l'argent, être sur le point d'en perdre, avoir de l'appétit, être enjoué, devenir chauffeur de taxi). Mais si, par hasard, on tombait sur une énigme logique comportant presque mille propositions incompréhensibles, avec un nombre indéfini de variables indéfinies, on imagine mal comment on pourrait facilement trouver une solution logique dans ce dédale.
Références utiles pouvant être consultées sur Internet :
http://www.liafa.jussieu.fr/~carton/Enseignement/Complexite/MasterInfo/Cours/time.html
http://www.utc.fr/arco/publications/intellectica/n22/22_06_Gosselin.pdf GOSSELIN Laurent Intellectica, 1996/1, 22, pp. 96-117
http://sergecar.club.fr/cours/logique.htm
http://www.philagora.net/philo-poche/demonstration2.htm
http://lancelot.pecquet.org/download/teach/Licence/Logique/poly.pdf

[3] « ανδρ’ ειδον πυρι χαλκον επ’ ανερι κολλησαντα ουτω συγκολλως ωστε συναιμα ποιειν. : J'ai vu un homme coller de l'airain au moyen du feu sur un homme vivant, avec une telle adhérence qu'il en résultait une alliance par le sang » (Athénée, Déipnosophistes, X, 452).

[4] Démétrios (Du style, 102).

[5] Aristote (Rhétorique, III, 2).

[6] Sextus Empiricus (Contre les grammairiens, 314-317).
Reprise dans une scholie de la République de Platon (VI, 754) : " Αινος τις εστιν ως ανηρ τε κουκ ανηρ ορνιθα κουκ ορνιθ’ ιδων τε κουκ ιδων επι ξυλου τε κου ξυλου καθημενην λιθω τε κου λιθω βαλοι τε κου βαλοι : Ceci est une énigme : un homme qui n'est pas un homme, voyant et ne voyant pas un oiseau qui n'est pas un oiseau, perché sur un arbre qui n'est pas un arbre, le frappe et ne le frappe pas avec une pierre qui n'est pas une pierre ".
Je ne ferai pas l'injure de rappeler au fin lettré – qui, lui, connaît déjà la clef des sybillines Prophéties – la solution classique de ces vieilles énigmes connues de tous.

[7] J'ai décrit pour la première fois en 2001 dans Logodaedalia, Clinique d'une comitiale agitation hiraclienne, la triade plénonasmique – ainsi que le paradoxe – comme un des éléments de signature psycholinguistique de la production littéraire nostradamienne. Il ne s'agit pas seulement d'une figure de style décorative, comme on la trouvait chez quelques auteurs du Moyen-Age (Willems, 2003), mais d'un élément comportemental psycho-linguistique particulier, décrit dans le syndrome de Geschwind (Benson, 1991), et qu'on retrouve pour la même raison chez un autre mystique de la Renaissance en la personne de Guillaume Postel. En outre, l'ambiguité comme conséquence d'un pléonasme a été décrite pour la première fois par Galien dans son traité des Sophismes verbaux.

[8] Voir Rabelais dans le Tiers Livre (Chap. XIV) : "Aultrement seroit repous non repous : don non don : Non des dieux amis provenent, mais des diables ennemis, iouxte le mot vulgaire : εχθρων αδωρα δωρα ", repris sur Erasme dans ses Adages (I, III, 35) : "Hostium munera non munera", d'après une citation de Sophocle dans Ajax (v. 665).

[9] Est eadem sed non eadem, quae est ipsa nec ipsa est : Il est lui et non lui, le même et non le même. (Lactance, de ave phoenice, v. 169).
"C'était une question que de savoir à quel sexe appartenait le phénix. Rien ne le prouve mieux que le v. 163 du Carmen de ave phoenice de Lactance, où le poète se demande si l'oiseau est femelle, mâle ou ni l'un ni l'autre ou encore l'un et l'autre : Femina seu mas sit seu neutrum seu sit utrumque. [...] Les genitalia du phénix devaient avoir une particularité mystérieuse, car Achille Tatius (Leucippe et Clitophon, III, 24) assure que lorsqu'il était parvenu à Héliopolis après sa résurrection, le phénix montrait à un prêtre les απορρητα de son corps. Le prêtre sortait du sanctuaire, portant un livre où se trouvait l'image du phénix, d'après laquelle il jugeait de l'autenticité de l'oiseau nouvellement arrivé. Pour les Pélasgiens, contre lesquels saint Augustin dirige une polémique dans le De anima, le phénix, être intersexué, était par sa résurrection, le symbole d'un état analogue à celui dans lequel ressusciteraient les âmes. "C'est impossible", assure le savant docteur, "ou bien le phénix a des genitalia masculina et, dans ce cas, il est mâle, ou bien il a des genitalia feminina et, dans ce cas, il est femelle. Tu vois bien que tu te trompes ; tu l'admettrais toi-même, si tu ne te répandais en de complaisantes déclamations au sujet du phénix, comme font les écoliers" (De anima et ejus origine, IV, XXI, 33 ; MIGNE, P.L., XLIV, col. 543). Des dissertations comme celles-là, auxquelles saint Augustin ne ménage pas son mépris, apparaissent encore chez saint Zénon de Vérone (Tract., lib. I, XVI, 9) : "Le phénix, cet oiseau précieux, nous apporte des preuves évidentes de notre résurrection. La noblesse de sa race, il ne la doit pas à des parents, il ne la transmet pas à des descendants : il est pour lui-même l'un et l'autre sexe..., il ne naît point d'une copulation, etc .." (Hubaux & Leroy, 1939, p.5). Cf. Delcourt, 1958 ; Van den Broek, 1972, p.365 sq.

[10] (Nicot, 1606) : Vueil, Un mesme vueil, id est, un mesme vouloir, Eadem voluntas.
(Estienne, 1549) : Timidus, pen. corr. Adiectiuum. Cic. Craintif, Timide, Couard. [...] Deorum timidus. Ouid. Craignant d'offenser les dieux.
Cf. Luc, II, 25 : iustus et timoratus, juste et pieux, δικαιος και ευλαβης.

[11] Qu'on se reporte à une étude presque exhaustive d'Adrien Baillet parue en 1725 dans les Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs. J'en donne seulement un extrait : « Table des Chapitres du Discours préliminaire des Auteurs déguisés [...] CHAP. V. Prendre des noms appellatifs. Appellatifs pour être substitués aux noms Propres. Des Appellatifs de diverses sortes ; de dignités, de professions, de conditions, de pays, de dispositions d'esprit ou de coeur. [...] CHAP. XI. Changer son nom d'une Langue en une autre contre un nom de signification semblable ou approchante. Noms tournés du Vulgaire en Hébreu & de l'Hébreu en Latin & en Vulgaire. Noms tournés du Vulgaire en Grec. Noms tournés du Vulgaire en Latin. Noms tournés en Langues Vulgaires. [...] CHAP. XVI. De la pluralité des Surnoms qui donne lieu aux Auteurs de varier dans l'expression de leur nom. »

[12] Forest, f. acut. Sylua, Du Tillet en son recueil des Rois de France explique ainsi ce mot : Le mot Forest, vieux bas Allemand, convenoit aussi bien aux eauës qu'aux bois, signifiant Deffens, Childebert donne à l'abbaye Sainct Germain Des prés à Paris son domaine d'Iscy, sa pescherie de Vanves, & autres estans en la riviere de Seine, despuis le pont de la cité, jusques au ru de Sevre, telles qu'il les tenoit, & que sa forest estoit. Charles le chauve donne à l'Eglise Sainct Denys en France la seigneurie de Charnocé en Thierache, avecques la forest de pescher dedans certains limites, & d'autre part la seigneurie de Rueil, & la forest d'eauë despuis la riviere de Saure jusques à certain lieu. Et à l'abbaie Sainte Benigne de Dijon, la forest des poissons de la riviere d'Ousche. Par laquelle interpretation dudit du Tillet, forest seroit droit de prohiber autruy de pescher ou buschoier, és pescheries & bois, que en aucuns pays de ce Royaume, on appelle Deues a Vetando. comme si forest descendoit par composition de Foris & Sta, qui est forme d'interdire l'accés & entrée de quelque lieu à autruy, & comme en usent les mariniers & autres gens d'eauë quand ils advertissent les abordans avec vaisseaux, qu'ils se tirent au loin d'un mauvais escueil, rocher ou autre passage. (Nicot, 1606).

[13] Genèse (XXXII, 25-33) : "Et quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. Voyant qu'Il ne le maîtrisait pas, Il le frappa à l'emboîture de la hanche, et la hanche de Jacob se démît pendant qu'Il luttait avec lui. (...) On ne t'appeleras plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort contre Dieu, et contre les hommes tu l'emporteras" (XXXII, 29) ; Exode (IV-24) : "Alors qu'en route Moïse avait halte pour la nuit, Yahvé le rencontra et tenta de le faire mourir", "Cumque effet in itinere, in diuerforio occurit ei Dominus : & volebat occidere eum."

[14] Cf. Tertullien (Aux nations, I, 12) : "Quant à ceux qui prétendent que nous adorons une croix, ils sont de la même religion que nous. La qualité de la Croix est d’être chez nous un étendard de bois. Vous, vous adorez la même matière sous toutes ses transformations. Votre étendard, à vous, a une figure humaine ; le nôtre a sa figure particulière : qu’importent les linéaments, pourvu que la qualité soit identique ? qu'importe la forme, pourvu que le corps du Dieu soit le même ? Si vous disputez sur la différence, y a-t-il grande différence d'une croix à la Pallas athénienne, à la Cérès du Phare, qui n'est autre chose qu'une pièce de bois grossière, informe et sans figure ? Tout poteau dressé en l'air est la moitié d’une croix, et même la moitié la plus forte. Vous nous reprochez d'adorer une croix complète avec son antenne et sa partie supérieure".
Cf. Saint Irénée : « le Fils du créateur du monde, c'est-à-dire, le Verbe par lequel le bois de la Croix produit du fruit ? »

[15] Ce qu'on pourrait rapprocher de Crinitus (Commentari de Honesta disciplina, XVI, 2) : « De serpentum natura et ingenio in Aegyptia theologia, et qua ratione accipitris caput illis addatur, aliaque de accipitre memoranda. [...] Idem praeterea Aegyptii totius orbis molem demonstrantes, inter circulum erium et igneum serpentis effigiem cum capite accipitris circumducunt, ut instar sit graece huius litterae Θ, quae theta dicitur. Per circulum enim magnitudinem ac formam totius orbis intelligunt, per anguem vero, qui medium intersecat, bonum daemonem, cuius merito ac beneficio omnia alantur, vigeant atque contineantur » repris sur Eusèbe de Césarée : « Ετι μην οι Αιγυπτιοι απο της αυτης ενοιας τον κοσμον γραφοντες περιφερη κυκλον αεροειδη και πυρωπον χαρασσουσιν και μεσα τεταμενον οφιν ιερακομορφον (και εστι το παν σχημα ως το παρ’ ημιν Θητα), τον μεν κυκλον κοσμον μηνυοντες, τον δε μεσον οφιν συνεκτικον τουτου Αγαθον Δαιμονα σημαινοντες. […] Και τα μεν πρωτα στοιχεια τα δια των οφεων, ναους κατασκευασαμενοι, εν αδυτοις αφηιερωσαν, και εορτας και θυσιας επετελουν και οργια, θεους τους μεγιστους νομιζοντες και αρχηγους των ολων. : Cependant les Egyptiens encore, dessinant le monde d'après la même conception, gravent une circonférence qui a la couleur du feu et du ciel avec un serpent à l'aspect de faucon qui s'étend en son milieu – l'ensemble forme notre thêta – ; ils veulent signifier par le cercle le monde et ils symbolisent par le serpent qui est au milieu le Bon démon dont il dépend entièrement. [...] Et après avoir construit des temples, ils consacrèrent dans les sanctuaires les premiers éléments représentés par des serpents et pour eux célébrèrent fêtes, sacrifices et mystères orgiaques, avec le sentiment que c'étaient là les dieux suprêmes et les causes principales de l'Univers » (Préparation Evangélique, I, X).
– voir la polysémie du mot taph : en hébreu le tombeau est kebooraw קבורה (Strong N° 06912) de qabar קבר (Strong N° 06900) Gen., 35:20, 47:30, Deut., 34:6 ; tandis que taph (Strong N° 02945 טף) désigne les petits enfants (Gen., 34:29, 43:8, Exode, 10:10, 10:24), de taphaph (Strong N° 02952 טפף ) sauter, voyager ; de toph תף (Strong N° 08596) pour tambour, timbre, de taphaph תפף (Strong N° 08608) battre, jouer du tambour ;
Cf. Isaie, 30:32-33 : "Et sera le passaige de la verge, fondé, que le Seigneur fera reposer sur luy, par tambourins & harpes les vaincra : & il les vaincra par grandes batailles. Car Tophet est preparée déz hier, par le Roy preparée, profonde & large : ses nourissements sont feu, & beaucoup de bois: & le vent du Seigneur est comme un torrent de soulphre, qui l'alume." (Biblia, 1550) ; "Et erit transitus virgae fundatus, quam requiescere faciet Dominus super eum in tympanis et citharis ; et in bellis praecipuis expugnabit eos. Praeparata est enim ab heri Topheth, a rege preparata, profunda, et dilatata. Nutrimenta ejus, ignis et ligna multa ; flatus Domini sicut torrens sulphuris sucendens eam."

[16] Estienne, 1549 : Effarter ung bois, Collucare. (couper, éclaircir, tailler, émonder ; Gaffiot)

[17] Cf. Saint Augustin (Sermon 336, 1, 6 - Pour la dédicace d'une église) : "Lorsque l'on croit, c'est comme lorsque l'on coupe du bois dans la forêt et que l'on taille des pierres dans la montagne".

[18] (Nicot, 1606) : Estampe, C'est à dire, Imprimerie, ou impression.

[19] (Nicot, 1606) :
bois
νεμω, id est pasco, vient ce nom Nemus : ainsi de ce verbe βοσκω, id est Pasco, vient ce nom βοσκων, ou Boscum, qui signifie autant que Lignum, ou Sylua. Hinc tam pro ligno, quam pro sylua, Flandri dicunt Bosc, Picardi Bos, Franci Bois.
Nimes, qu'aucuns escrivent Nismes sans propos, est une ville en siege d'Evesché et establissement de siege presidial, chef de Seneschaussée, au païs du bas Languedoc, à cinq lieuës de la mer mediterranée, dont l'autheur de ces Commentaires et thresor de la langue Françoise est natif, Nemansus. Illustrée d'une grande et admirable source et cuve de fontaine d'eauë tres-salubre, d'un Amphiteatre du tout semblable à celuy de Verone, de temples antiques, d'une Basilique d'ingenieuse et somptueuse structure, bastiment de l'Empereur Adrian, de grand nombre d'inscriptions antiques Hebraiques, Grecques et Latines, et d'autres antiquitez Romaines, recitées tant par Poldo Albenas aussi natif dudit lieu en livre exprez, que par Belleforest en sa Cosmographie, selon le memoire que l'autheur de cedit livre luy en donna lors qu'il dressoit laditte Cosmographie.

[20] Estienne, 1549 (# Inventer, Invenire, Adinvenire, Generare)
Invention ou allegation qu'on fait par malice plus que par bône foy, Calumnia.
Invention & tromperies pour venir à la fin de ses attaintes, Machinae.

[21] (Nicot, 1606) : Fraudulent, Frauduleux, Fraudulentus, Dolosus.

[22]
Cf. Ernoult & Meillet (Dict. étymologoque) : erus, i (herus, incorrect) : maître, maîtresse
Cf. Junius (Nomenclator, 1567 ; p.518) : HERUS Terentio, Δεσποτης, Κυριος (...) G. Maiftre, Sire
Cf. Godefroy (Dict. Historique) : Hery : long, grand.

[23] (Nicot, 1606) : Horion, Ictus.

[24]Tite-Live : "Romulus Siluius a patre accepto imperio regnant. Auentino fulmine ipse ictus regnum per manus tradidit. Is sepultus in eo colle, qui nunc pars Romanae est urbis, cognomen colli fecit : Romulus Silvius, frappé de la foudre, laisse le sceptre aux mains d'Aventinus. Ce dernier, enseveli sur la colline qui fait aujourd'hui partie de la ville de Rome, lui donna son nom" (I, 3, 9), "Auentinum nouae multitudini datum : L'Aventin fut alors dévolu aux nouveaux arrivants" (I, 33, 2) ; Varron : "On rattache le nom de l'Aventin à plusieurs origines. Naevius le rattache à aves (oiseaux), car c'est là, dit-il, que se portent les oiseaux venant du Tibre ; d'autres le font venir du roi Albin Aventinus, parce qu'il y aurait son tombeau ; d'autres y voient l'Adventin, de adventus hominum (l'afflux des gens), sous prétexte qu'un temple de Diane, commun aux peuples latins, y fut établi. Mais moi, j'ai surtout tendance à le faire venir d'advectus (transbordement), car jadis la colline était isolée du reste par des marécages" (Langue Latine, V, 43) ; Servius : "pulcher aventinus Aventinus mons urbis Romae est, quem constat ab avibus esse nominatum, quae de Tiberi ascendentes illic sedebant, ut in octavo legimus dirarum nidis domus opportuna volucrum. quidam etiam rex Aboriginum, Aventinus nomine, illic et occisus et sepultus est, sicut etiam Albanorum rex Aventinus, cui successit Procas. Varro tamen dicit in gente populi Romani, Sabinos a Romulo susceptos istum accepisse montem, quem ab Avente, fluvio provinciae suae, Aventinum appellaverunt. constat ergo varias has opiniones postea secutas, nam a principio Aventinus est dictus ab avibus vel a rege Aboriginum : unde hunc Herculis filium constat nomen a monte accepisse, non ei praestitisse. insigne paternum absolute dixit." (VII, 657) ; Salluste (I, 7), cité par Saint-Augustin (Cité de Dieu, III, 17) : "dein servili imperio patres plebem exercere, de vita atque tergo, regio more, consulere ; agro pellere, et ceteris expertibus, soli in imperio agere. Quibus agitata saevitiis, et maxume foenoris onere oppressa plebes ; quam assiduis bellis tributum simul et militiam toleraret, armata montem Sacrum atque Aventinum insedit : Alors les patriciens exercèrent sur la plèbe un pouvoir tyrannique. Ils disposèrent à la façon des rois, des vies et des corps, chassèrent les citoyens de leurs champs et, les privant de tous leurs droits, s’arrogèrent seuls l’autorité. Accablée de vexations et surtout écrasée de dettes, la plèbe qui, au cours de guerres continuelles, supportait à la fois l’impôt et la conscription, se retira en armes sur le Mont Sacré et l'Aventin" ; "Vos ancêtres, pour obtenir justice et fonder leur grandeur, se sont, deux fois, retirés en armes sur l'Aventin" (Guerre de Jugurtha, 31) ;

[25] (Nicot, 1606) : Aventin, c'est en la vigne, ce que les Latins appellent Duramentum. [latin duramentum : de duro, durcir, fortifier, durer, subsister] ;
(Huguet, 1965) : Avantin – Aucuns l'appellent garde, les autres courson ou avantin, c'est un sarment à deux yeulx ou trois, duquel est sorty du bois portant fruict, tout ce qui est sur le vieil sarment est couppé, ainsi la vigne se multiplie de ses nouveaux drageons. COTEREAU, trad. de COLUMELLE, IV, 21. – Les jectons et branches ou avantins qui sont du costé de la bise ne doibvent estre gueres taillées. Id., ib., IV, 24. – Quand la vigne est puissante et aagée, on peult laisser courir des plus longs drageons et avantins jusques au prochain arbre. Id., ib., V, 6. [Les Douze livres de Lucius Junius Moderatus Columella, des choses rustiques. Traduits de latin en françois par... Claude Cotereau,... La traduction duquel ha esté soingneusement reveue... et illustrée de doctes annotations par... Jean Thierry... ; 1552, 1555]

[26] La suite de la strophe III-17 dit "en Flandres", c'est-à-dire "en flammes", parce que Flandres renvoie à "Flamant", c'est flagrant.

[27] On sait que cet aqueduc – prolongement médiéval d'une antique construction gallo-romaine plusieurs fois réaménagée – n'est jamais tombé dans l'oubli puisqu'il fut restauré au début du XVIIe siècle à la suite d'un constat de ruine attesté en 1598, et qu'il était encore en service jusque dans les années 1950 (Augusta-Boularot & Paillet, 2003 ; Augusta-Boularot & Paillet, 2004, pp. 117-126).
Serait-il encore impossible que Nostredame, le natif de Saint-Rémy, l'amateur de ces antiques topographies faites du temps du siècle Romain (Excellent & moult utile opuscule, 1555, p. 100), ait fait de son Gaulsier un vocable désignant un aqueduc, une avenue d'eau lustrale prenant sa source dans le creux d'un puy ? Cf. GAULINA, pro Gallina ... Une Gausle à quoy l'on tiroit l'eaue d'un puys. (Du Cange)

[28] Le mot gorge serait apparenté à gausse, et à gausser (pour gaver les oies), gaucher, signifiant aussi amuser, moquer, voire gaser, jaser (TLF, Guiraud, 1982).
(Nicot, 1606) : Goulfe, voyez Golfe.
Golfe, m. penac. Est la partie de mer qui est serrée entre les deux d'une coste courbée, Sinus metaphorice. Aucuns escrivent et prononcent Goulphe, ainsi que l'Italien et Espagnol, Golfo. Autres l'escrivent et prononcent Goulfre. Mais ce dernier a aussi une autre signification. Tous viennent du Grec, kolpos, par mutation de k en g sa moyenne, et de p en ph son aspirée.
Un golfe ou goulfe ou gouffre de Venise, Sinus Adriaticus, ou Mare Adriaticum.

[29] (Nicot, 1606) :
Tomber entre les mains des espies et guetteurs, Deuenire in insidias.
Venir et tomber entre les mains du vainqueur, Deuenire in victoris manus.
Qu'elle ne tombast entre ses mains, Ne in illius manus perueniret.
Je ne sçay où tu veux tomber, Quo euadas, nescio.
(Rabelais, 1542, Gargantua) : "Mais si ainsi estoit phee, et deust ores ton heur et repos prendre fin, failloit il que ce feust en incommodant à mon Roy celluy par lequel tu estois estably ? Si ta maison debvoit ruiner, failloit il qu'en sa ruine elle tombast suz les astres de celluy qui l'avoit aornee ? (XXXI, La harangue faite par Gallet à Picrocholle) ; Voicy ce qu'il me failloit. Cest arbre me servira de bourdon et de lance. (XXXIIII, Comment Gargantua demolit le chasteau du Gue...) ; Ensemble le diable me faille : si j'eusse failly de couper les jarretz a Messieurs les Apostres ... (XXXIX, Comment le Moyne fut festoye par Gargantua)" ;
(Rabelais, 1552, Tiers Livre) : "si Mars ne failloit a Quaresme" (Prologue) ;

[30] Et non pas d'Utique (Utica) près de l'ancienne Carthage, moins probable, comme je l'avais supposé depuis 2001. C'est l'usage pléonasmique de Gardoing qui justifie ici de retenir Uticense comme synonyme déjà attesté d'Ucetia (Uzès), mais aussi d'Utica (Vtica, Vsees, E. Vticencis ; Cousin, T. 2, p. 83). L'aqueduc, long de 275 mètres, construit à l'époque romaine, cheminait en pente douce sur une cinquantaine de kilomètres depuis la source d'Eure (située à 71 mètres d'altitude) à Uzès dans la vallée de l'Alzon, jusqu'à Nîmes (60 mètres d'altitude). On savait au XVIe siècle que la partie supérieure du pont du Gard avait servi d'aqueduc, même s'il n'était plus exploité depuis longtemps. Dans les Prophéties ce qu'il faut retenir c'est donc l'aspect baptismal, allégorique, d'une source abandonnée, mais appelée si besoin à jaillir de nouveau après une longue période de sécheresse (cf. IV-58 : Chef seille d'eaue mener son filz filer).

[31]
(Bernard, 1956) : « Le nom de Montmélian, dit A. Longnon, un des premiers maîtres de la science de l'étymologie, vient d'un mot gaulois latinisé en Mediolanum ou Mediolanium... et les textes antiques font connaître huit localités ainsi dénommées ; trois seulement peuvent être reconnues avec certitude dans des lieux dont le nom actuel dérive de l'ancien : ce sont Milan, Châteaumeillant (Cher) et Le Montmiolant (Loire). [...] Quel serait maintenant le sens de ce mot gaulois et celtique si fréquent : Meillan ? Ce mot signifiait " la terre sainte du milieu ", " le champ de réunion religieux et économique ", le lieu sacré de ralliement et de défense pour la tribu en temps de guerre, et, probablement, une position élevée et fortifiée, comme le sont les Miolans, Château-Meillant et les autres Meillan dont le nom composé indique qu'ils sont placés sur un mont. »
Cf. du Cange (Glossaire) : MEIAN, Moyen, qui est au milieu. Gl. Meianus 2, et Aurata.
Cf.(Raynouard, 1836, Lexique roman) : meian, de MEI, du latin medius, mi, demi, qui est au milieu, mitoyen ;
MEIANUS, Murus intermedius, Mur mitoyen...

[32] « Mediolanum, Galliae Cisalpinae totius metropolis, à Medo Insubrum duce dicta : vel quod inter amnes media, veluti Mesopotamiae regio, sita sit. » (Cousin, T. 2, p. 14). Les auteurs ont généralement admis que le -lanum de Mediolanum dérivait du planus latin (Ernoult & Meillet), sans faire remarquer que celui-ci s'apparentait au grec πλαξ : la plaine (Bailly, 1950),
désignant en particulier l'espace uni des enfers chez Sophocle (Oedipe à Colonne, 1564, 1576), αιθερια πλαξ chez Euripide (Electre, 1349) ; de ce fait la "plaine du milieu" devient exactement – veluti Mesopotamiae regio – l'espace sacré entre les eaux célestes et les eaux terrestres de la Genèse, et même un centre sacré pour Gaulois (Delamarre, 2003).

[33] (Nicot, 1606) :
Bourg ou Bourgade, Il vient de Pyrgus πυργος, en muant Py en Bu, et faisant Burgus &pi:υργος, turrim significat et castellum. Pagus.
NUREMBERG, ou Noremberg, ville d'Alemaigne, Norimberga, a Norico monte habet.
VVIRTEMBERG, Nom de Duché en Allemaigne, Virtemberga. Comme qui diroit Vuider dem berg, c'est contre la montagne.

[34] (Kerver, 1543) : Quelle chose ilz signifioient par l'aigle. Quant ilz vouloient denoter dieu ou haulteur, ou depression & bassesse, ou excellence, ou sang, ou victoire, ou Mars & Venus. Ilz paignoient ung aigle signifiant Dieu pource que c'est ung oyseau qui fort multiplie & vit longuement ; aussi il semble y avoir quelque effigie & similitude du soleil pource que seul entre tous les autres oyseaulx l'aigle tient les yeulx fermes & ouvers contre les rais du soleil & a ceste cause les medecins aux remedes des yeulx usent de l'herbe de l'aigle qu'ilz appellent hieracea. Aucunes foys ilz paignoient le soleil en forme d'un aigle comme celuy par qui nous voyons elle denote haulteur pource que quant elle veult monter en haut elle ne prent point son chemin de coste & a travers comme les aultres mais volle droict & contremont. Bassesse pource qu'elle font & descend de mesmes tout droict sans tournoyer comme font tous aultres oyseaulx. Excellence pource que en beaulte & noblesse elle excede tous les aultres. Sang pource qu'elle ne boit jamais eau mais sang. Victoire pource que qu'elle vainct & surmonte tous oyseaulx & que se trouvant au combat si elle se sent & trouve foible elle se renverse & mect les piedz contremont & devers le ciel & se deffend de son ennemy lequel voyant qu'il ne peult faire le semblable se donne a fouyr.

(Van de Walle & Vergote, 1943) : I-6. [Ce qu'ils désignent en écrivant un faucon.]
Lorsqu'ils veulent figurer un dieu, la hauteur, l'abaissement, la supériorité, le sang, ou la victoire, [ou Arès ou Aphrodite], ils peignent un faucon :
a) Un dieu, parce que cet animal est prolifique et qu'il a la vie longue ; d'antre part, parce qu'il semble être le symbole du soleil et que mieux qu'aucun autre oiseau, il peut de ses yeux affronter les rayons solaires : aussi, les médecins emploient-ils l'herbe du faucon pour soigner les yeux et c'est encore pour ce motif qu'ils (les Egyptiens) représentent parfois le soleil sous la forme du faucon, comme étant le maître de la vue ;
b) La hauteur, parce que les autres animaux (oiseaux), lorsqu'ils veulent monter dans les hauteurs, volent obliquement, étant incapables de se diriger en ligne directe, tandis que le faucon seul vole vers les hauteurs en ligne directe ;
c) L'abaissement, parce que les autres animaux (oiseaux) ne se dirigent pas perpendiculairement vers le bas comme lui, mais se laissent planer obliquement, tandis que le faucon fonce en ligne directe vers le bas ;
d) La supériorité, parce qu'il semble exceller sur tous les oiseaux ;
e) Le sang, parce qu'on dit que cet animal ne boit pas de l'eau mais du sang ;
f) La victoire, parce que cet animal semble vaincre tout (autre) oiseau ; en effet, quand il est menacépar un animal plus fort, alors il s'élève dans les airs de telle manière que ses serres se trouvent au-dessus, tandis que ses ailes et la partie postérieure sont en dessous, et il engage le combat ; dans ces conditions l'animal qui lutte contre lui, ne parvenant pas à faire la même chose, va à la défaite.

(Aldes, 1502) I-6. Τι δηλουσιν ιερακα γραφοντες.
Θεον βουλομενοι σημηναι η υψος η ταπεινωσιν η υπεροχην η αιμα η νικην {η Αρεα η Αφροδιτην} ιερακα ζωγραφουσι.
θεον μεν δια το πολυγονον ειναι ζωον και πολυχρονιον · ετι γε μην, επει και δοκει ειδωλον ηλιου υπαρχειν, παρα παντα τα πετεινα προς τας αυτου ακτινας οξυωπουν, αφ’ ου και ιατροι προς ιασιν οφταλμων τη ιερακια βοτανη χρωνται, οθεν και τον ηλιον, ως κυριον οντα ορασεως, εσθ’ οτε ιερακομορφον ζωγραφουσιν.
υψος δε, επει τα μεν ετερα ζωα εις υψος πετεσθαι προαιρουμενα πλαγιως περιφερεται, αδυνατουντα κατευθυ χωρειν, μονος δε ιερας εις υψος κατευθυ πετεται ·
ταπεινωσιν δε, επει τα ετερα ζωα ου κατα καθετον προς τουτο χωρει, πλαγιως δε καταφερεται, ιεραξ δε κατευθυ επι το ταπεινον τρεπεται ·
υπεροχην δε, επειδη δοκει παντων των πετεινων διαφερειν·
αιμα δε, επειδη φασι τουτο το ζωον υδωρ μη πιπειν, αλλ’ αιμα·
νικην δε, επειδη δοκει τουτο το ζωον παν νικαν πετεινον. επειδαν γαρ υπο ισχυροτερου ζωου καταδυναστευηται, το τηνικαυτα εαυτον υπτιασας εν τω αερι ως τους μεν ονυχας αυτου εν τω ανω εσχηματισθαι, τα δε πτερα και τα οπισθια εις τα κατω, την μαχην ποιειται · ουτω γαρ το αντιμαχομενον αυτω ζωον το αυτο ποιησαι αδυνατουν εις ητταν ερχεται.

(Trebazio, 1521) : Quid significent scribentes aquilam. Cum volunt deum significare, aut altitudinem aut depressionem, aut excellentiam, aut sanguinem, aut victoriam Aquilam pingunt Deum quidem, eo quidem sit avis haec foecunda & longaeva. Et ad hoc quod videtur simulacrum esse solis, cum praeter coeterum volatilium naturam intentos oculos teneat in radios solares. Unde & medici in oculorum medelam herba ab Aquila dicta utuntur, & solem tanquem dominum visus aliquando Aquilae forma depingunt. Altitudinem, quoniam coetera quidem volatilia, cum velint in altum ascendere, oblique feruntur cum non possint in directum volare. Sola autem Aquila in altum recta fertur. Depressionem, quoniam eodem modo coetere aves oblique, ad terram feruntur. Aquila sola recta descendit. Excellentiam quoniam Aquila coeteris volatilibus praestare videtur Sanguinem, quoniam, ut dicunt Aquila non aquam, sed sanguinem bibit. Victoriam, quoniam videtur reliquas aves omneis superare. Si cui enim congressa vinci se sentiat, resupinat sese, ac dirigit ungues, alias ac dorsum ad terram versa, atque hoc modo pugnat avis vero inimica, cum hoc facere nequeat, facile in fugam vertitur.

(Nostredame, 1540-45) : Que vouloient signifier pour l'aigle. Quant ont vouloit monstrer dieu par puissance/ Depression, hauteur ou exelence/ Sang ou victoyre, l'aigle ont paignoit en rond...

[35] « Il y a des dizaines et des dizaines d'exemples qu'il est inutile de répertorier, mais on en remarque une recrudescence dans les almanachs pour 1565 et 1566. L'expression est souvent explicitée : "Dieu sur tous les astres", ou développée : "Dieu sur tout... qui remediera, qui nous preserve, qui decouvrira le tout à bon effet, qui nous aidera, qui par sa grace veuille le tout garder, qui mitiguera son ire, qui nous veuille contregarder, qui nous veuille octroyer l'annee en paix & bonne prosperite, qui par sa saincte grace nous veuille preserver de mal, qui gouvernera le tout, qui nous gardera de mal, qui nous fera l'annee paisible, qui donra gouvernement à son peuple, etc. »
« Le caractère très sombre des prophéties n'était souvent tempéré que par cette lueur d'espoir, "Dieu sur tout", jetée en pâture au lecteur en fin de paragraphe. Cette prise de position, partout affirmée, rangeait le pronostiqueur du coté de l'orthodoxie. Il le fallait bien, puisque c'était un point sur lequel ses adversaires l'attaquaient. [...] L'affirmation de la supériorité de Dieu présentait au surplus l'avantage d'excuser les erreurs de pronostication : si tel malheur ne se produisait pas comme prévu, ce n'était pas la faute des astres ni de leur interprète ; c'était parce que Dieu, dans sa miséricorde, était intervenu dans les affaires humaines. La profession de foi vient au secours de l'astrologue ; elle fait partie des trucs du métier. [...] Mais l'affirmation de la toute-puissance de Dieu, d'une part, et la reconnaissance de sa propre humanité, de l'autre, n'assuraient pas la tranquillité du prophète, qui avait de multiples ennemis. Les défauts ne manquaient pas à sa cuirasse : style décousu, pensée incohérente, tendance à travailler trop vite et à bâcler le travail, connaissances mathématiques limitées, coquilles nombreuses dans ses ouvrages, tous défauts qu'une volée de pamphlets, comme autant de soufflets, prirent plaisir à relever. »(Brind'Amour, 1993 ; p. 102-105).



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